Consensuel lorsqu’il est envisagé sous le prisme du droit commun, le cautionnement devient un contrat solennel lorsque s’érigent sur son chemin les imposantes dispositions du droit de la consommation. Une solennité qui suscite maintes difficultés dans un système juridique empreint de consensualisme, héritage du Haut Moyen Âge. Emanant de la première chambre civile de la Cour de cassation, un arrêt en date du 11 septembre 2013 (1) en est une éloquente illustration.
Si le code de la consommation, exige de la caution personne physique qu’elle recopie une mention manuscrite déterminée et uniquement celle-ci, à peine de nullité du cautionnement souscrit au profit d’un professionnel, le juge refuse de se cantonner à un rôle de «serviteur muet (2)» de ce formalisme aveugle. Du moins, le juge du droit, car de manière surprenante, la cour d’appel de Dijon (3) a, récemment, accueilli favorablement la demande en nullité de deux cautionnements. Pour l’un, une virgule s’était honteusement substituée à un point entre la formule de l’engagement de la caution et celle relative au caractère solidaire de celui-ci (4). Pour l’autre, c’est l’omission du point séparant ces deux mentions ainsi que l’absence de majuscule en découlant, qui furent sanctionnés.
Fort heureusement, les juges du Quai de l’Horloge se détachent «de cette intangibilité absolue du contenu [qui] ne pourrait que servir de refuge à la mauvaise foi. (5)» Dans l’exact lignée d’arrêts rendus récemment (6) par la chambre commerciale, la première chambre civile de la Cour de cassation sanctionne une telle position, affirmant que ces erreurs n’affectent nullement «la portée des mentions manuscrites conformes pour le surplus aux dispositions légales.» Souplesse prétorienne louable, qui évite de faire des mentions manuscrites, protectrices de la caution, une arme redoutable pour que cette dernière échappe à son engagement, jouant sur la ponctuation aujourd’hui, sans doute sur la moindre faute d’orthographe demain…
La Haute Cour, cependant, ne s’écarte pas complètement d’un formalisme «arrogant et dérangeant (7)». Ainsi, toute mention omettant certains passages ou en intervertissant l’ordre peut conduire à l’effondrement pur et simple du cautionnement (8). Même si la teneur du libellé, ne laisse aucun doute sur la volonté exprimée par celui qui s’engage. De manière assurément plus contestable, mais néanmoins compréhensible si on se réfère à la rigueur du texte législatif, la Cour de cassation reste insensible à l’aveu judiciaire de la caution (9). Se dessinent alors, les contours d’un formalisme borgne.
Mais au royaume du formalisme aveugle, le formalisme borgne est roi! Car ce dernier semble donner cohérence et équilibre à un dispositif législatif on ne peut plus lacunaire (10). D’une part, la rigueur du droit romain qui faisait pleinement prédominer des éléments de forme exprimant la volonté de s’engager, sur la volonté elle-même (11), est évitée. D’autre part, la boîte de Pandore reste scellée, le juge refusant de se perdre en appréciation in concreto de telle ou telle mention s’écartant peu ou prou de la mention imposée par le droit de la consommation.
Sans doute, la constance des juges du Quai de l’Horloge à contrecarrer le littéralisme exacerbé (et provocateur?) de certaines juridictions du fond, sans pour autant trahir le texte, découragera les plaideurs les plus audacieux et sortira quelque peu le cautionnement, des profondeurs abyssales du «droit pathologique. (12)»
Anis FAYED
Étudiant en droit privé
Université Panthéon-Assas
Notes :
1 1re civ. 11 septembre 2013, n°12-19.094.
2 P. Crocq, Panorama de droit des sûretés, D. 2012, p. 1577.
3 CA Dijon, 26 janvier 2012.
4 Respectivement prévues par les articles L341-2 et L341-3 du code de la consommation.
5 D. Houtcieff, «Propos sur un formalisme moderne», RDC, 2004, p.408.
6 Notamment Com. 5 avril 2011 n°10-16.426.
7 Y. Picod, «Le formalisme de la mention manuscrite de la caution», Mélanges en l’honneur de François Chabas, Bruylant, 2011.
8 1re civ. 16 mai 2012, n°11-17.411.
9 Com. 28 avril 2009, n°08-11.616.
10 D. Houtcieff, loc. cit.
11 M. Cabrillac & C. Mouly, Droit des sûretés, Litec, 9ème édition, 2010, n°133.
12 Expression utilisée par le Doyen Carbonnier pour désigner le contentieux dans son ouvrage Flexible droit, 10e édition, L.G.D.J.