Bruno Lasserre – Une culture de la concurrence perfectible en France

 


 

Bruno Lasserre, Président de l’Autorité de la Concurrence depuis 2004, donne son avis sur la culture de la concurrence en France. Cet article est la retranscription d’un podcast vidéo que vous pourrez visionner sur le site de notre partenaire www.tvdma.org.

 


 

 » Il faut admettre que cette culture reste encore faible, vacillante et perfectible. Encore qu’un sondage récent vient de montrer que les français refusaient pratiquement tout dans l’économie de marché, sauf à 67 % considéraient que la concurrence apportait des vertus. C’est un changement récent qu’il faut signaler.

 

Pour répondre à votre question, je dirais qu’il faut distinguer le français en tant que consommateur et en tant que citoyen. En tant que consommateur, nous comprenons très concrètement les bénéfices de la concurrence. Les Français ne sont pas les derniers à comparer les prix dans les linéaires des supermarchés. Ils n’ont eu aucune nostalgie à mettre les France Telecom ou les Air France avec les compagnies low-cost ou les nouveaux entrants dans la téléphonie mobile ou dans  l’Internet haut débit. Ils ont tous compris que concurrence voulait dire innovation, stimulation des opérateurs sur la qualité de service et baisse des prix profitable à leur propre pouvoir d’achat et à leur porte-monnaie.

 

Lasserre

 

Ce qui est curieux en France, c’est que ces bénéfices vus par le consommateur ne se transfèrent pas forcément dans l’autre moitié du cerveau du citoyen. Et lorsqu’il vote, lorsqu’il réfléchit à ces sujets en tant que citoyen, en tant que contributeur au débat politique et économique de notre pays, il doute de la concurrence en tant que système économique.

Il y a beaucoup d’explications à cela.

Une des raisons est que la France est un pays qui, traditionnellement, a plus une culture de protection de l’État que de prise de risque par rapport à d’autres pays.

On peut trouver une autre raison dans le fait que les gouvernements français successifs, qu’ils soient de droite de gauche, quand ils ont introduit des réformes en France destinées à ouvrir à la concurrence certains secteurs économiques, n’ont jamais cherché à justifier ces réformes par des  argumentaires économiques nationaux : en quoi les citoyens ou les entreprises allaient bénéficier de cette ouverture à la concurrence, mais l’ont justifié par la contrainte bruxelloise et ont transféré vers Bruxelles l’impopularité de ces réformes.

 

Donc finalement, il faut – et c’est notre travail – réconcilier ces deux parties du cerveau, les faire se communiquer l’une avec l’autre, faire en sorte que le citoyen comprenne que ce qu’il ressent, ce qu’il perçoit en tant que consommateur est aussi un bien qui peut stimuler l’économie, qui peut pousser ainsi à la création emploi, à la protection du pouvoir d’achat, qu’en quelque sorte la concurrence est un levier formidable de croissance, d’innovation et de création d’emploi. Et c’est notre travail de pédagogie, on dit en anglais d’advocacy, que par des avis, des opinions que nous rendons publics, dossier après dossier, secteur après secteur, de dire que bien organisée, la concurrence peut apporter ces résultats positifs. « 

  

 

Propos recueillis par notre partenaire www.tvdma.org


TVDMA

 

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