Bilan des conditions de validité du cautionnement donné par une SCI


La question des conditions de validité d’une sûreté souscrite par une société civile immobilière (SCI) au profit d’un tiers continue d’occuper les prétoires, et la divergence persiste entre les chambres de la Cour de cassation. A ces dissonances caractérisant la matière semblent toutefois s’adjoindre de nouvelles perspectives, et donc des raisons d’écrire ! En effet, une analyse plus globale permet de laisser transparaître, pour le droit des sûretés en général, quelques charmes partiellement occultés.


I – Dissonance persistante

Position du problème. L’on sait désormais qu’en ce qui concerne les sûretés consenties par une société à risque illimité (SCI, SNC) en garantie des dettes d’un tiers (dirigeant social, associé(1)), c’est à la jurisprudence qu’il est revenu, une fois encore, de palier les carences de la loi (2). Théoriquement, les statuts peuvent contenir des prévisions quant à la souscription de garanties. Cette hypothèse pose alors peu de difficultés : l’on agit en effet conformément à l’objet social en suivant ces prescriptions et la garantie est nécessairement valable (3). Ceci est toutefois relativement marginal, dans la mesure où le monopole bancaire interdit à toute personne n’ayant pas la qualité d’établissement de crédit d’effectuer des opérations de banque de manière habituelle (4). L’analyse se situe donc précisément dans l’hypothèse récurrente où l’objet social est silencieux. Le principe de spécialité devant toutefois être respecté (5), la jurisprudence a établi des facteurs de rattachement à l’objet social. Or, à cet égard, la conception de la chambre commerciale s’oppose à celle de la première chambre civile.

Conception de la première chambre civile : souplesse. Considérant d’abord que le cautionnement donné par une société n’entrant pas directement dans son objet social pouvait toutefois être valable si une communauté d’intérêts entre la société garante et la société cautionnée existait (6), la première chambre civile de la Cour de cassation apporta plus tard certaines précisions. C’est ce qui transparaît très nettement d’un important arrêt en date du 8 novembre 2007, selon lequel « le cautionnement donné par une société n’est valable que s’il entre directement dans son objet social, ou s’il existe une communauté d’intérêts entre cette société et la personne cautionnée, ou encore s’il résulte du consentement unanime des associés » (7). Cet arrêt cristallise la position de la première chambre civile en la matière, selon laquelle la prévoyance de l’objet social, la communauté d’intérêts entre la société et la personne cautionnée et le consentement unanime des associés constituent des conditions alternatives de la validité de la sûreté consentie. C’est ainsi qu’une décision unanime des associés permet à elle seule de disposer des fonds de la société.

Conceptions de la chambre commerciale … et de la troisième chambre civile : rigueur. La chambre commerciale adopte une autre position, plus exigeante. En effet, le consentement unanime des associés a été perçu avec plus de méfiance, n’étant admis à traduire la conformité de la sûreté consentie à l’objet social que si « l’atteinte à l’intérêt social n’était pas invoquée » (8), position confortée dans des termes similaires induisant indubitablement la même solution (9). Restait encore à appliquer cette solution à un cas avéré d’atteinte à l’intérêt social d’une société, ce que la chambre commerciale fit quelques années plus tard (10). Les décisions les plus récentes mettent également et nettement en exergue l’indispensabilité d’une conformité de la sûreté consentie à l’intérêt social de la société : l’accord unanime des associés n’est pas suffisant (11). « Plus grave que l’aliénation » (12) : le cautionnement (13). C’est semble-t-il la logique suivie par la chambre commerciale, dont la vocation protectrice est incontestable, à l’égard de sociétés dont on peut pourtant légitimement douter qu’elles méritent une telle bienveillance (14). A noter que la troisième chambre civile s’est récemment alignée sur cette position, de surcroit dans une décision destinée au Bulletin. En effet, dans une espèce similaire au dernier arrêt cité, la Cour de cassation a pu affirmer de la plus claire des manières que « le cautionnement même accordé par le consentement unanime des associés n’est pas valide s’il est contraire à l’intérêt social » (15).

La solution de la première chambre civile paraît donc isolée, et l’intervention d’une chambre mixte se fait attendre. Plus encore, l’on s’interrogera sur la pertinence de l’absence de texte régissant la matière, tant la pratique révèle la régularité des sûretés ainsi souscrites par ce type de sociétés, et le législateur étant intervenu sur cette question concernant la plupart des autres sociétés (16). Si la dissonance prétorienne est ainsi persistante (17), de nouvelles perspectives plus attrayantes peuvent en être extraites.

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II – Perspectives nouvelles

 N’est-ce pas en effet à l’aune des mots du Droit que l’on en trace les contours ? C’est bien ce qui semble se confirmer à la lecture des décisions de la Cour de cassation, tant les formulations employées sont riches de charmes partiellement occultés.

Précision de la notion d’intérêt social. La chambre commerciale en entérinant encore plus sa conception de la validité d’une sûreté donnée par une SCI au profit d’un tiers, précise utilement ce qu’est l’intérêt social. Dans sa décision de 2011, après avoir vérifié et constaté l’existence d’une délibération de l’ensemble des associés, elle approuva la SCI d’avoir soutenu « que l’immeuble donné en garantie était son seul bien immobilier, que l’opération ne lui rapportait aucune ressource, mais grevait ainsi très lourdement son patrimoine, exposé à une disparition totale sans aucune contrepartie pour elle, au risque donc de l’existence même de la société garante » (18). La sûreté consentie était donc, au terme du raisonnement de la Haute cour, contraire à l’intérêt social de la SCI. Ceci constitue une précision importante de la notion (19). Ainsi, celui-ci serait identifiable par la confrontation du risque encouru par la société et du gain éventuel qu’elle tirerait de la sûreté consentie. Cette contrepartie est semble-t-il surabondante : l’aspect fondamental, c’est le danger couru par la société, sur lequel, dans les quelques lignes par exemple de l’attendu précité, la Cour de cassation revient par quatre fois, sous quatre formulations différentes !

Cela ne va bien sûr pas sans rappeler l’exigence de proportionnalité, que l’on connait désormais fort bien notamment en droit du cautionnement. Or, la question d’une exigence de proportionnalité transposée aux sûretés réelles pour autrui a déjà été posée. Alors même que la conception du «cautionnement réel» était encore troublée, la Cour de cassation admettait de façon nuancée le principe proportionnalité en la matière (20). Or l’on sait désormais le sort qu’a connu le « cautionnement hypothécaire » (21) : ainsi, la Cour de cassation avait pu trancher plus fermement cette question, en rejetant l’exigence de proportionnalité dans une espèce impliquant une « garantie hypothécaire » (22), au motif que « la sûreté réelle consentie pour garantir la dette d’un tiers n’impliquant aucun engagement personnel à satisfaire l’obligation d’autrui n’est pas un cautionnement et, limitée au bien hypothéqué, elle est nécessairement proportionnée aux facultés contributives de son souscripteur » (23). En effet, la chambre commerciale intervient ainsi pour protéger la SCI contre elle-même, ou plutôt pour la protéger (elle) contre ceux qui la dirigent : or, ces derniers ne constituent-ils pas les premiers à être au fait de ce qui est bon ou mauvais pour la société ? Il semble assez peu admissible d’assimiler de la sorte « l’ensemble des associés » à une partie faible (24) méritant d’être protégée de ce qu’elle a elle-même décidé ! Cela ne semble ni plus ni moins qu’être un autre encouragement en droit des sûretés (25) à la mauvaise foi des souscripteurs de garanties (26). D’aucuns sauront combien les plus fervents serviteurs de la protection de la partie faible –  lorsque c’en est une – sont également les plus hostiles combattants de l’abus de protection servant in fine l’injustice contractuelle.

Manifestation d’un régime primaire (27) Evidemment, les sûretés entretiennent entre elles des différences importantes (28), et envisager l’idée d’un socle commun est donc une entreprise dont la vocation est dès l’origine contingentée (29). Pour autant, l’on ne peut faire l’économie de cet angle de réflexion essentiel.

En matière de sûretés personnelles (30), la question de la nécessité d’un tel régime primaire emporte semble-t-il une réponse affirmative. Le législateur s’est tant acharné à garantir une protection de la caution, que les créanciers sont à juste titre tentés par d’autres sûretés personnelles beaucoup plus dangereuses pour le garant (31), et auxquelles le législateur n’a malheureusement pas cru bon d’étendre sa bienveillance (32). A la question subséquente de l’émergence empirique d’un régime primaire, l’on peut opter pour une réponse similaire : le législateur n’a par exemple pas étendu le formalisme protecteur érigé dans le cautionnement à la garantie autonome, mais il a par ailleurs interdit la conclusion d’une telle garantie dans la plupart des cas concernés par ce formalisme en matière de cautionnement (33). Par ailleurs, d’autres indices suscitent la réflexion, comme l’extension de l’application de l’article 1415 du Code civil à une garantie autonome alors même que cette disposition concerne exclusivement le cautionnement (34). L’on ne peut faire l’économie, également en ce sens, de mentionner l’admission généralisée du pacte commissoire (35).

En ce qui concerne les sûretés réelles, la réflexion semble plus aboutie en ce sens qu’une doctrine des plus autorisées s’est largement emparée de la question (36). Ainsi l’on a pu distinguer des manifestations de ce qui pourrait s’apparenter à un tel régime primaire (37).

Or, par leur généralité, certains des arrêts précités semblent participer d’une version encore plus étendue de cette mouvance : en employant le terme « sûreté » dans sa plus vaste signification, la solution peut être analysée sous l’angle d’une contribution potentielle à l’émergence d’un régime primaire global en droit des sûretés (38). Au même titre qu’existent, malgré une diversité évidente, un droit commun des contrats ou encore un régime primaire des régimes matrimoniaux, existe-t-il alors un régime primaire en droit des sûretés ? Les manifestations en sont pour l’instant trop rares pour tirer une telle conclusion. Pour autant, si un tel socle commun voyait le jour à l’avenir, ces solutions évocatrices participeraient indubitablement de ses prémices. L’on ne saurait ainsi mieux conclure : « l’occasion manquée d’une réforme d’ensemble conduit à douter, au moins de lege lata, de l’hypothèse d’une sorte de « régime primaire » indérogeable, de droit commun impératif que l’on verrait s’appliquer à toute convention constitutive d’une sûreté. L’hypothèse eût pu être séduisante mais la « faisabilité » de ce statut impératif reste, hélas, du domaine des vœux » (39).

Florian MAUME

Notes :

1 La liste n’est pas exhaustive.

2 Malgré un phénomène récurrent. V. not. sur ce point J.-F. Barbiéri, « Cautionnement et sociétés : dix ans de jurisprudence », LPA 26 fév. 1992, p. 6 ; J. Honorat, « Sociétés et cautionnement », Defrénois 1982, art. 32970, p. 1569

3 Ainsi, lorsque les statuts d’une société semblent faire mention d’une telle possibilité, celle-ci « ne peut en conséquence exciper d’un dépassement de son objet social, les opérations de sûretés étant expressément prévues dans leurs modalités » : Cass. com., 15 avr. 2008 (n° 06-18294)

4 V. sur ce point D. Houtcieff et A.-S. Barthez, Les sûretés personnelles, LGDJ, 1ère éd., 2010, n° 379 : l’on comprend alors que la prévision statutaire, parmi les activités d’une société, de la souscription de garanties est nécessairement marginale.

5 Ph. Simler et Ph. Delebecque, Les sûretés, la publicité foncière, Dalloz, 5ème éd., 2009, p. 80, n° 93, et les réf. citées

6 Cass. 1re civ, 1er fév. 2000 (n° 97-17.827) : D. 2000, Somm. p. 479, obs. J.-C. Hallouin ; Rev., sociétés 2000, p. 301, note Y. Guyon ; Bull. Joly 2000, p. 502, note A. Couret

7 Cass. 1re civ., 8 nov. 2007 (n° 04-17.893) : Bull. civ. IV, no 345 ; RTD com. 2008, p. 141, obs. M.-H. Monsèrié-Bon ; RTD com. 2008, p. 167, obs. D. legeais ; Adde J. Théron, De la communauté d’intérêt, RTD civ. 2009, p. 19

8 Cass. com., 28 mars 2000 (n° 96-19.260) : Bull. civ. IV, n° 69 ; Rev. sociétés 2000, p. 535, note Y. Guyon ; D. 2000, p. 253, note M. Boizard, p. 479, obs. J.-C. Hallouin et 2001, p. 692, obs. L. Aynès ; RTD com. 2000, p. 666, note C. Champaud et D. Danet

9 Cass. com. 18 mars 2003 (n° 00-20.041) : Bull. civ. IV, n° 46 ; D. 2003, AJ p. 975, obs. A. Lienhard ; RTD com. 2003, p. 739, obs. C. Danet et C. Champaud

10 Cass. com., 3 juin 2008 (n° 07-11.785) : Rev. sociétés 2009, p. 383, note D. Randoux ; JCP G 2008, I, 211, note Ph. Simler et Ph. Delebecque ; Dr. sociétés 2008, comm. 202, note R. Mortier ; Déjà en ce sens : Cass. com., 13 nov. 2007 (n° 06-15.826) : RTD com. 2008, p. 167, obs. D. Legeais

11 « la sûreté donnée par une société doit, pour être valable, non seulement résulter du consentement unanime des associés, mais également être conforme à son intérêt social » : Cass. com., 8 nov. 2011 (n° 10-24.438) : D. 2012, p. 415, note E. Schlumberger ; LEDC 02 janv. 2012, n° 1, p. 1, obs. D. Gallois-Cochet ; Gaz. Pal., 11 fév. 2012, n° 42, p. 31, note A.-F. Zattara-Gros ; Gaz. Pal., 04 fév. 2012, n° 35, p. 15, note P. Pailler ; Gaz. Pal., 22 déc. 2011, n° 356, p. 13, obs. M.-P. Dumont-Lefrand ; RTD com. 2012 p. 358, obs. M.-H. Monsèrié-Bon ; D. 2012, p. 415, obs. A. Lienhard

12 L. Aynès et P. Crocq, Les sûretés, la publicité foncière, Defrénois, 5ème éd., 2011, p. 81, n° 216

13 L’on ne retiendra que l’image générée par cette formule : en effet, il s’agissait en l’espèce du désormais défunt « cautionnement hypothécaire » (expression que l’on retrouve d’ailleurs dans le pourvoi). Il ne convient donc plus de faire référence dans une telle hypothèse au « cautionnement » (V. sur ce point infra note 21), bien que, comme au sein de la présente étude, le terme puisse être employé par commodité, tout comme certains commentateurs de l’arrêt (not. de manière très significative E. Schlumberger, note préc.) ou même auteurs, reprenant le plus souvent les développements afférent à ce thème dans une partie traitant du cautionnement (V. par ex. D. Houtcieff et A.-S. Barthez, Les sûretés personnelles, LGDJ, 1ère éd., 2010, n° 378 et s.)

14 Les faits de l’arrêt précité sont d’ailleurs symptomatiques : une banque avait engagé une saisie immobilière contre une SCI, garante hypothécaire d’un prêt consenti plus tôt à une autre société. La SCI rétorqua en invoquant la nullité de la sûreté pour contradiction de celle-ci à son intérêt social…

15 Cass. 3e civ., 12 sept. 2012, (n° 11-17.948) : D. 2012, p. 2166, obs. A. Lienhard ; RTD civ. 2012, p. 754, obs. P. Crocq ; Gaz. Pal. 13 déc. 2012, p. 18, note M.-P. Dumont-Lefrand ; Rev. sociétés 2013, p. 16, note A. Viandier

16 Les sûretés consenties au profit d’un tiers sont très largement prohibées dans les SA (art. L. 225-43 et art. 225-91 C. com.), SARL (art. L. 223-21 C. com.) et SCA (art. L. 226-10 C. com.). V. not. sur ce point M. Cabrillac, C. Mouly, S. Cabrillac et P. Petel, Droit des sûretés, Litec, 9ème éd., 2010, n° 143 et s., et les nombreuses références citées

17 V. not. Ph. Shultz, « L’associé cautionné par sa société et l’intérêt social », in Etudes offertes au Doyen Ph. Simler, Litec-Dalloz, 2006, p. 429

18 Cass. com., 8 nov. 2011 , préc. ; L’on retrouve une formulation similaire dans l’arrêt plus récent Cass. 3e civ., 12 sept. 2012, préc. : « qu’en statuant ainsi, sans rechercher, ainsi qu’il le lui était demandé, si la garantie consentie par la SCI n’était pas contraire à son intérêt social, dès lors que la valeur de son unique bien immobilier évaluée à 133 000 euros était inférieure au montant de son engagement et qu’en cas de mise en jeu de la garantie, son entier patrimoine devrait être réalisé, ce qui était de nature à compromettre son existence même, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision » ; V. également Cass. com., 3 juin 2008 , préc. : « dès lors que le montant de l’engagement était tel qu’en cas de défaillance du débiteur, la société devait réaliser son entier patrimoine pour l’honorer, ce qui était de nature à compromettre son existence même » ; V. aussi Cass. com. 13 nov. 2007, (n° 06-15.826) : RTD com. 2008. 167, obs. D. Legeais , p. 354 et p. 366, obs. B. Dondero  ; JCP E 2008, p. 1280, n° 3, obs. J.-J. Caussain, F. Deboissy et G. Wicker ; LPA 2008, n° 68, p. 7, note P. Schultz ; JCP 2008. I. 152, n° 3, obs. P. Simler, décision faisant également état du poids excessif que fait peser la sûreté sur le patrimoine de la société.

19 La remarque mérite d’autant plus d’être faite que la notion d’intérêt social est « relativement floue ». : V. M.-P. Dumont-Lefrand, obs. préc. : en effet, la loi ne l’évoque que de façon détournée (V. not. sur ce point M. Cozian, A. Viandier et F. Deboissy, Droit des sociétés, Litec, 23ème éd., 2010, n° 372), ce dont découle une certaine controverse quant à sa qualification (V., parmi une abondante littérature : D. Martin, « L’intérêt des actionnaires se confond-il avec l’intérêt social ? », in Mélanges D. Schmidt, Joly éd., 2005, p. 359 et s. ; G. Goffaux-Callebaut, « La définition de l’intérêt social », RTD com. 2004, p. 35 ; et pour un remarquable regard comparatiste, S. Rousseau et I. Tchotourian, « L’intérêt social en droit des sociétés. Regards canadiens », Rev. Sociétés 2010, p. 735).

20 Cass. 1re civ., 9 juill. 2003 (n° 01-14.082) : Bull. civ. I, n° 167 : la caution était certes une personne physique mais l’engagement était « hypothécaire »… Le scepticisme réside dans l’attendu de la Cour : le préjudice issu de la disproportion (admission) « ne pouvait être équivalent à la dette toute entière mais seulement à la mesure excédant les biens que la caution pouvait proposer en garantie » (scepticisme). L’inverse aurait en effet conduit au même résultat que la déchéance aujourd’hui prévue pour les personnes physiques victimes d’une disproportion (l’on s’accorde en effet globalement à considérer comme telle la sanction de l’article L.341-4 C. consom. : V. not. V. Avéna-Robardet, « Réforme inopinée du cautionnement par la loi Dutreil », D. 2003, p. 2086). Or, comme il a été dit, ceci n’en était qu’une manifestation nuancée vis-à-vis des sûretés « réelles » pour autrui.

21 Cass., ch. mixte, 2 déc. 2005 (n° 03-18.210) : D. 2006. AJ. 61, obs. V. Avena-Robardet ; RTD civ. 2006, p. 594, obs. P. Crocq ; RTD com. 2006, p. 465, obs. D. Legeais ; JCP G 2005, II, 10183, note Ph. Simler ; RDC 2006, p. 458, obs. D. Houtcieff ; V. not. dans même sens : Cass. 3e civ., 15 févr. 2006 (n° 04-19.847) : Bull. civ. III, n° 35 ; D. 2006. AJ. p. 716, obs. V. Avena-Robardet ; RTD com. 2006, p. 465, obs. D. Legeais ; JCP G 2006, I, 195, obs. Ph. Simler ; Cass. com., 21 févr. 2006 (n° 04-14.051) : Bull. civ. IV, n° 42 ; D. 2006. Jur. p. 1543, note V. Bonnet ; RTD com. 2006, p. 465, obs. D. Legeais 

22 Comme c’est le cas dans l’arrêt commenté, d’où ce parallèle.

23 Cass. 1re civ., 7 mai 2008 (n° 07-11.692) : D. 2008, p. 2036, note S. Piedelièvre ; Dr. et patr. oct. 2008, p. 95, obs. L. Aynès et Ph. Dupichot ; Banque et Droit, n° 120, juill.-août 2008, p. 41, obs. F. Jacob ; RD banc. fin. sept.-oct. 2008. 36, obs. D. Legeais

24 A titre de confrontation, cette nécessité est en revanche et par exemple parfaitement admissible et admise notamment en droit de la consommation, où une partie se trouve véritablement en situation d’infériorité face à un cocontractant parfaitement au fait des subtilités du contrat qu’il s’apprête à proposer (V. not. J. Calais-Auloy et H. Temple, Droit de la consommation, Précis Dalloz, 8ème éd., 2010, n° 1 et s. et les nombreuses réf. citées).

25 Un autre exemple réside dans les mentions manuscrites de l’art. L.341-2 C. consom., instaurées pour tout cautionnement souscrit par un professionnel envers un particulier par acte sous seing-privé et sous peine de nullité : en effet, bien que l’anéantissement rétroactif de l’acte servira sans doute à un certain nombre de cautions de se délier d’engagements dont elles n’avaient effectivement pas mesuré la portée, le prononcé d’une telle sanction à l’égard du moindre oubli dans le recopiage d’une mention sera inévitablement favorable aux cautions de mauvaise foi : V. en ce sens D. Legeais, « Le Code de la consommation, siège d’un nouveau droit commun du cautionnement », JCP E 2003, 1433 ; F. Pasqualini, « L’imparfait nouveau droit du cautionnement », LPA 3 fév. 2004, p. 4

26 D’autant plus que l’espèce de 2011 fait apparaitre que la demande émanait de la SCI à titre principal et au seul motif de la contrariété de la garantie à son intérêt social : n’est-ce pas l’archétype suffisant d’un garant tentant d’échapper à son engagement ? L’on a ainsi pu s’interroger : « l’intérêt social est-il en train de devenir le nouvel « eldorado » des cautions et plus particulièrement des sociétés cautions, celui qui leur permettra, après coup, de se sortir d’une situation épineuse ou pour le moins coûteuse » ? : M.-H. Monsèrié-Bon, note préc. sous Cass. com., 8 nov. 2011.

27 Pour l’utilisation de cette expression, V. Ph. Simler et Ph. Delebecque, Les sûretés, la publicité foncière, Dalloz, 5ème éd., 2009, p. 26, n° 36

28 V. not. M. Cabrillac, C. Mouly, S. Cabrillac et P. Petel, Droit des sûretés, Litec, 9ème éd., 2010, n° 564 : « les sûretés présentent de profondes différences dans leurs origines, leurs aménagements techniques, leurs modalités de fonctionnement ».

29 V. Ph. Simler et Ph. Delebecque, Les sûretés, la publicité foncière, Dalloz, 5ème éd., 2009, p. 26, n° 36 qui parlent à cet égard d’un « niveau élevé d’abstraction ».

30 M. Cabrillac, C. Mouly, S. Cabrillac et P. Petel, Droit des sûretés, Litec, 9ème éd., 2010, n° 35 et 36, pesant le « pour et le contre » pour répondre à la question de la nécessité d’une théorie générale des sûretés personnelles ; V. aussi sur la force d’attraction du cautionnement : P. Ancel, « Qualification et régime de l’engagement du codébiteur solidaire non intéressé à la dette prévu par l’article 1216 du code civil », D. 2000, p. 407

31 V. sur ce phénomène C. Jallamion et C. Lisanti, « Le cautionnement : perspectives historiques et contemporaines », Dr. et patr. 2008, n° 172, p. 46 ; V. aussi en ce sens Ch. Mouly, « Pour la liberté des garanties personnelles », Banque éditeur 1987, p. 1166 ; Ph. Simler « Les solutions de substitution au cautionnement »  JCP G 1990, I, 3427

32 Manifestation de « l’art de mal légiférer » (D. Legeais, « La réforme des garanties ou l’art de mal légiférer », in Etudes offertes au Doyen Ph. Simler, Dalloz-Litec, 2006, p. 367) ou réticence à l’égard de l’émergence d’un régime primaire ?

33 Il en est ainsi pour les crédits à la consommation et les crédits immobiliers (Art. L. 313-10-1 C. consom.) mais aussi de la garantie autonome souscrite en garantie des loyers d’un bail d’habitation (art. 22-1-1 de la loi du 6 juillet 1989). Ceci induit d’ailleurs que le législateur a préféré proscrire la garantie autonome dans ces domaines plutôt que d’aligner une partie de son régime sur celui du cautionnement … l’entreprise est toutefois très incomplète : V. sur ce point D. Houtcieff et A.-S. Barthez, op. cit., n° 22, p. 26 qui parlent « d’oublis législatifs ».

34 Cass. 1re civ., 20 juin 2006 (n° 04-11.037), D. 2006, p. 1815, obs. V. Avena-Robardet : l’attendu précisant en ces termes « que ce texte est applicable à la garantie à première demande qui, comme le cautionnement, est une sûreté personnelle, laquelle consiste en un engagement par lequel le garant s’oblige, en considération d’une obligation souscrite par un tiers, à verser une somme déterminée, et est donc de nature à appauvrir le patrimoine de la communauté ». Une telle argumentation est en effet plus qu’accueillante à l’émergence d’un régime primaire, par le prisme de cette remarquable œuvre de rapprochement.

35 Comme N. Borga l’affirme d’ailleurs brillamment (N. Borga, L’ordre public et les sûretés conventionnelles. Contribution à l’étude de la diversité des sûretés, Dalloz, Nouv. Bibl. de thèses, 2009, p. 109) : cette admission « fait désormais figure du droit commun ».

36 J. Mestre, E. Putman et M. Billiau, Droit commun des sûretés réelles, LGDJ, 1996

37 L’on peut toutefois en distinguer ponctuellement en droit positif, comme la généralisation de l’attribution judiciaire et du pacte commissoire en matière de sûretés réelles conventionnelles par l’ordonnance du 23 mars 2006 (n° 2006-346) provoquant « l’harmonisation des modes de réalisation » de ces sûretés : V. sur ce point Ph. Simler et Ph. Delebecque, Les sûretés, la publicité foncière, Dalloz, 5ème éd., 2009, p. 26, n° 36

38 Global car non simplement un régime primaire des sûretés personnelles ou réelles. L’on notera d’ailleurs, si cela était avéré, la maladresse de la démarche: en effet, ces conditions ne pourraient s’appliquer de manière générale, du simple fait que la loi prévoit un autre régime pour les SA, SARL, SAS… Appel (déjà) à la réforme globale tant attendue (et manquée en 2006) des sûretés ?

39 E. Putman, obs. sur la th. précitée de N. Borga, RTD civ. 2010, p. 836

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