Suite à la loi de 2005[1], des associations de personnes touchées par un handicap se sont créées pour revendiquer un « droit à la sexualité ». Faisant l’apologie de cette pratique, certaines d’entre elles n’ont pas hésité à demander un service d’accompagnement sexuel en prenant l’exemple de nos voisins tels que l’Allemagne, les Pays-Bas, la Suisse ou encore le Danemark.
La sexualité des personnes en situation de handicap se révèle être une question très contemporaine. Avant l’avènement de telles revendications, il était préférable de considérer que ces personnes étaient des « anges », êtres asexués par nature. Désormais, de nombreux témoignages suscitent l’intérêt des citoyens à propos de la possibilité, ou non, de recourir aux aidants sexuels. Comment rester indifférent devant « Hasta la vista ! » de Geoffrey Enthoven ? Véritable plaidoyer pour l’assistance sexuelle aux personnes handicapées, ce film flamand ne saurait s’arrêter à nos frontières et interpelle nécessairement les contradicteurs les plus passionnés.
À ce titre, le Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE) avait ainsi rendu, en 2012, et à la demande Mme Roselyne Bachelot alors Ministre de la santé, un avis[2] sur le recours aux aidants sexuels. Selon l’avis, si l’objet de la demande est celle de la sexualité, les aidants sexuels ne sauraient satisfaire entièrement les revendications des personnes handicapées ou de leurs familles. En effet, la sexualité s’exprime principalement à travers deux composantes que sont la pulsion, « tension volontiers spontanée, qui tend vers une satisfaction », et le désir, « la conséquence d’une relation interpersonnelle où l’érotisme peut avoir une place prédominante ». Or, les aidants sexuels ne pourraient que répondre à une pulsion sexuelle, ce qui ne serait pas en soi satisfaisant.
Bruno Py explicite alors les trois solutions s’offrant aujourd’hui à une personne handicapée pour pallier son désir sexuel : « la négation-répression du désir », « la satisfaction hygiéniste de la pulsion » ou « le recours à la prostitution », concluant qu’« aucune n’est satisfaisante » mais « chacune est hypocrite »[3].
Si la sexualité est une liberté en tant que composante de la vie privée[4], elle ne saurait être un droit subjectif opposable[5]. En ce sens, il ne peut exister un « droit à la sexualité » en tant que tel, mais « un droit à développer une sexualité »[6] comme le souligne M. Py. La demande de l’assistance sexuelle est donc une demande et non la réclamation d’un droit-créance donnant lieu à un droit à compensation par extension.
Outre la nature juridique de cette demande, la possibilité de satisfaire cette requête ne semble pas relever du truisme. Le spectre de la qualification pénale est omniprésente pour la famille car est assimilé au proxénétisme le fait « de faire office d’intermédiaire entre deux personnes dont l’une se livre à la prostitution et l’autre exploite ou rémunère la prostitution d’autrui »[7]. Parallèlement, l’établissement d’accueil des personnes handicapées tomberait sous le coup de la loi pénale s’il tolérait la prostitution au sein de ses services[8].
Dans ce contexte, ouvrir l’accès aux aidants sexuels en France nécessiterait inéluctablement une modification de la loi pour ne pas contraindre la famille ou les établissements à la consommation d’infraction. Il s’agirait alors de créer un nouveau fait justificatif afin d’échapper à la responsabilité pénale. Mais pour quel motif ?
L’Etat français ne s’est pas encore clairement positionné à propos de cette thématique. Le débat reste donc ouvert et des commissions de réflexion devraient prochainement nous éclairer sur le sujet.
Thomas CHASTAGNER
[1] Loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées
[2] CCNE, Vie affective et sexuelle des personnes handicapées : question de l’assistance sexuelle, Avis n°118, 4 octobre 2012
[3] B. PY, « L’assistance sexuelle aux personnes handicapées : un service ? Un soin ? Un délit ? », RDS, n°40, mars 2011, p. 105
[4] Art. 8 Code civil
[5] F. VIALLA, « Privé de vie privée : « Vol retour » au-dessous d’un nid de coucou ? », RDS, n°52, mars 2013, p. 141
[6] B. Py, Op. Cit.
[7] Art. 225-6 Code pénal
[8] Art. 225-10 Code pénal