Qu’a changé la loi Pinel dans le régime des baux commerciaux ?
Avant d’entrer dans le vif du sujet, il convient de faire un bref rappel concernant les conditions d’application du régime des baux commerciaux. Ainsi les conditions à remplir pour pouvoir bénéficier du statut des baux commerciaux sont : l’existence d’un bail immobilier, d’un local affecté à l’exploitation du fonds de commerce et, il va sans dire, l’existence d’un fonds de commerce !
Par la loi Pinel du 18 Juin 2014, le législateur est venu apporter quelques précisions et réaliser quelques modifications concernant le contenu du contrat de bail commercial mais aussi et surtout l’exécution même du contrat de bail. Aussi, nous tâcherons de récapituler les apports principaux de la loi Pinel au régime des baux commerciaux.
Le contenu du contrat de bail
Le contenu du contrat de bail commercial est encore majoritairement laissé à la liberté des parties. Il n’existe donc pas, à proprement parler, de modèle type de bail commercial, même si les récentes réformes portent atteinte à la liberté contractuelle. Il existe ainsi des mentions obligatoires de plus en plus fréquentes et conséquentes.
Il résulte ainsi de la loi Pinel du 18 juin 2014 et d’un décret de novembre 2014 que le bail commercial doit dorénavant prévoir la répartition des charges et des travaux.
Chaque clause du bail pouvant sensiblement varier selon la situation du bailleur, du locataire, du bien et d’autres paramètres, il est déconseillé de rédiger seul son bail. Il existe des plateformes telles que LegalPlace qui proposent des contrats de location qui s’adaptent à la situation du bailleur. Vous pouvez télécharger votre modèle de bail commercial en Word et PDF et le personnaliser en fonction de vos besoins.
La durée du contrat de bail
En principe la durée initiale d’un bail commercial est d’au moins 9 ans (Art. L145-4C.Com) mais il n’est prévu aucun maximum.
Cette durée de 9 ans est en principe une durée incompressible du moins à l’égard du bailleur. Le bailleur peut résilier tous les 3 ans dans des cas très limités, notamment pour adjoindre à l’immeuble un nouveau bâtiment, ou pour surélever l’immeuble. Dans ce type de résiliation anticipée, le bailleur doit alors verser une indemnité d’éviction à son locataire.
Le locataire lui, est plus libre puisqu’il a la faculté de résilier sans motif tous les 3 ans.
Avant la loi Pinel du 18 Juin 2014 il était possible par une clause expresse d’interdire la résiliation anticipée du bail par le preneur. On parlait alors de « bail ferme ».
La loi Pinel est venue interdire cette clause de bail ferme sauf dans 3 hypothèses :
– Pour les baux d’une durée initiale supérieure à 9 ans
– Pour les baux portant sur des locaux à usage exclusif de bureau
– Pour les baux qui portent sur des locaux monovalents
La révision du loyer
La révision est un mécanisme légal permettant tous les trois ans de réviser le loyer tant à l’initiative du bailleur que du locataire prévu article L145-38 du Code de Commerce. Le principe est que le loyer révisé doit être égal à la valeur locative.
La valeur locative est fixée selon les critères de L145-33, en effet il ne s’agit pas d’un simple renvoi à la valeur de marché. Selon L145-33 sont à prendre en compte :
– les caractéristiques du local, c’est-à-dire sa situation, sa surface, sa configuration etc.
– la destination des lieux
– les obligations des parties
– les facteurs locaux de commercialité (FLC)
– les prix des loyers du voisinage
Mais l’article L145-38 prévoit un plafonnement de la hausse de loyer correspondant à la hausse d’indices propre aux baux commerciaux (ILC ou ILAT).
Toutefois si est rapportée la preuve d’une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité engendrant une hausse de + de 10% de la valeur locative, le plafonnement prévu à l’article L145-38 vu précédemment ne s’applique plus. Dans cette hypothèse le loyer est alors fixé à la valeur locative.
Néanmoins, et c’est là que la loi Pinel intervient, malgré le déplafonnement, la loi du 18 Juin 2014 vient tout de même poser une limite en précisant que l’on ne peut rejoindre la valeur locative que par tranche de 10% par an.
Le renouvellement du loyer
Il s’agit du loyer du nouveau bail suite à l’initiative d’une des parties de renouveler le bail commercial. Ce nouveau bail peut être entièrement renégocié mais à défaut d’accord entre les parties, se sont les clauses de l’ancien bail qui sont reprises, sauf pour le loyer pour lequel une fixation judiciaire est possible dans la limite des articles L145-33 et L45-34 du Code de Commerce.
Comme dans le mécanisme de la révision du loyer vu précédemment, l’article L145-33 nous rappelle le principe de détermination de la valeur locative et l’article L145-34 quant à lui, prévoit un plafonnement du loyer en fonction des indices de référence utilisés (ILAT ou ILC)
On retrouve ici aussi des exceptions à ce plafonnement, dans un certain nombre d’hypothèses :
– Si le bail initial est strictement supérieur à 9 ans.
– Si modification des éléments 1 à 4 de L145-33 du Code de Commerce.
– Si le bail est à 9 ans mais qu’avec la tacite prolongation il excède 12 ans.
– S’il s’agit de locaux monovalents.
– S’il existe une clause recette.
– S’il y a une renonciation par le locataire.
De manière identique aux règles de la révision du loyer, la Loi Pinel ici aussi, vient poser des limites dans les deux premières hypothèses de déplafonnement du loyer renouvelé à savoir :
– dans le cas d’un bail initial d’une durée strictement supérieur à 9 ans
– en cas de modification des éléments 1 à 4 de l’article L145-33 du Code de Commerce
Ainsi dans ces deux hypothèses seulement la valeur locative doit être atteinte par une augmentation du loyer d’un montant maximum de 10% par an.
La répartition des charges entre le bailleur et le locataire
Avant la loi Pinel du 18 Juin 2014, c’est la liberté contractuelle qui l’emportait et il était ainsi possible de faire supporter au preneur l’ensemble des réparations éventuelles de l’immeuble mais également l’ensemble des taxes supportées normalement par le bailleur.
La loi Pinel ajoute aujourd’hui un nouvel article L 145- 40 -2 dans le Code du Commerce qui prévoit d’une part une répartition précise des charges et d’autre part, par un décret du 3 novembre 2014, une liste limitative des dépenses pouvant être mises à la charge du locataire. Cet article R145-35 nouveau du même Code les prévoit en précisant notamment que les gros travaux, la mise en conformité avec la législation, les travaux de vétusté, les impôts dont le redevable légal est le bailleur ne peuvent pas être mis à la charge du locataire.
Le droit de préférence
Depuis la loi Pinel du 18 Juin 2014 existe un droit de préférence légal au profit du locataire en cas de vente des locaux loués. Ce droit de préférence est ainsi institué à l’article L145-46-1 du code de commerce.
Le locataire dispose alors de 2 mois pour se prononcer, une fois sa réponse positive donnée, il a 2 à 4 mois pour acheter et le bail disparaît ainsi par confusion.
Si le locataire ne reçoit pas d’offre; il lui est offert la possibilité d’agir en nullité de la vente au tiers.
Sarah Abdallah
Source :
LOI n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises