Par une décision du 28 janvier 2016, la Cour d’appel de Colmar fait application du principe de libre choix du praticien par le patient, principe essentiel de la relation de soin et fondement de la législation sanitaire.
Les faits ayant donné lieu à cette décision sont les suivants : des infirmiers libéraux se voient interdire l’accès à une résidence médicalisée (assurant des prestations de services à la personne) où ils prodiguaient des soins. Cette interdiction du gérant faisait suite au signalement par les infirmiers au médecin traitant d’une patiente d’une suspicion de maltraitance. Les infirmiers assignent en justice la société exploitante et le gérant de la résidence afin de demander la réparation de leur préjudice moral et matériel.
Une solution classique : le libre choix, un droit imprescriptible
Les juges du fond reconnaissent que les infirmiers affirment que le gérant de la résidence leur a refusé l’accès à la résidence où ils devaient prodiguer des soins à ses patients, alors même que ces derniers ne les en avaient pas déchargés. Le gérant de l’établissement a donc négligé le respect de l’application du principe de libre choix de son praticien visé à l’article L.1110-8 du Code de la santé publique (CSP) alinéa 1 qui énonce que « le droit du malade au libre choix de son praticien et de son établissement de santé et de son mode de prise en charge, sous forme ambulatoire ou à domicile, en particulier lorsqu’il relève de soins palliatifs au sens de l’article L. 1110-10, est un principe fondamental de la législation sanitaire ». Il a, par son comportement, privé les résidents de leur liberté de choix et de l’exercice de ce droit. Cet élément est pourtant nécessaire à la confiance qui doit fonder toute relation de soins.
Ce principe constitue un principe fondamental de la législation sanitaire depuis la loi du 31 juillet 1991, et est d’ordre public[1]. Son application par les professionnels de santé est une obligation professionnelle et déontologique (art R.4127-6 et R.4312-8 CSP).
Pour ce qui est de la réparation des préjudices, les juges précisent que la réalité de ce préjudice est en effet suffisamment établie par les attestations du comptable des intimés démontrant que chacun d’eux a subi une baisse sensible de son chiffre d’affaires dans les mois ayant suivi leur éviction de la résidence. Ce préjudice s’analyse en une perte de bénéfice net et non pas en une perte de chiffre d’affaires et doit être indemnisé à due concurrence.
Et au-delà ? Le libre choix, un principe aux contours extensibles
In extenso, l’étude de ce principe de libre choix du praticien se heurte à d’autres problématiques telles que celle du principe de la laïcité à l’hôpital. Car c’est bien au nom d’un libre choix, celui de pouvoir toujours choisir un praticien en raison de sa religion ou de son sexe, que des tensions sont parfois constatées à l’hôpital. Il est légitime de se demander pourquoi le législateur élude la situation d’une telle discrimination, qui reste une grande absente des dispositions du CSP. La liberté du patient reste totale.
Le principe d’égalité peut-il permettre cette « discrimination à sens unique[2] » ?
[1] Civ.1e, 31 décembre 1989, n°88-15.352
[2] Art. L.1110-3 CSP prohibe les discriminations envers le patient
POUR EN SAVOIR PLUS
Marc Dupont, « Le libre choix du médecin : son évolution depuis la loi du 4 mars 2002 (1) », RDSS 2007 p.759