Le 14 septembre dernier, Google permettait à nouveau à ses annonceurs d’utiliser les marques appartenant à des tiers en tant que mots-clés. Si cette annonce a provoqué de vigoureuses réactions de la part des principaux annonceurs, elle est pourtant en parfaite conformité avec la solution que Google est parvenu à arracher aux juridictions communautaires.
La Cour de Justice de l’Union Européenne, dans les arrêts Google du 23 mars 2010, Bergsprechte du 25 mars 2010 et Portokabin du 8 juillet 2010, a élaboré le régime juridique de la publicité contextuelle dont la solution mérite approbation en tous points.
I. Google n’est pas contrefacteur
Dans son arrêt Google, la CJUE a appliqué au prestataire de référencement sur internet sa jurisprudence constante (Adam Opel, Céline, O2, …) pour retenir que celui-ci ne peut être auteur d’actes de contrefaçon lorsqu’il se borne à stocker des mots clés et organiser l’affichage d’annonces de tiers.
En effet, non seulement Google ne fait pas une utilisation du signe en relation avec des produits et services, mais encore cette utilisation se produit en dehors de sa propre communication commerciale.
Il en résulte pour la Cour que, contrairement à ce qu’elle a pu décider au sujet de l’annonceur, l’usage d’un tel signe par le prestataire n’est pas un usage dans la vie des affaires au sens des dispositions communautaires.
En pratique, la responsabilité personnelle de Google sur le fondement de la contrefaçon ne pourra donc jamais être engagée dans le cadre de son service AdWords, dès lors qu’elle ne fait aucun usage de marques de tiers pour la promotion de ses propres produits et services.
II. La responsabilité des annonceurs pour contrefaçon ne peut être recherchée que dans certaines hypothèses
Toutefois, le régime de responsabilité des annonceurs méritait d’être précisé. En effet, le seul usage de la marque d’un tiers par un acteur économique, fusse-t-il dans la vie des affaires, est insuffisant pour être contrefaisant. Pour cela, il doit encore porter atteinte aux fonctions essentielles de la marque, telles que sa fonction de garantie d’origine, ou encore sa fonction de publicité (ex : CJCE, L’Oréal, 18 juin 2009) en raison d’un risque de confusion dans l’esprit du public.
La CJUE en a logiquement déduit dans son arrêt Bergsprechte que l’appréciation du risque de confusion devait s’apprécier de manière casuistique. Elle précise qu’une telle appréciation ne doit pas se fonder en considération de la proximité du signe choisi comme mot-clé avec la marque du tiers, mais au regard du risque d’association que l’annonce affichée génère entre le titulaire de la marque et l’annonceur.
Ainsi dès lors que la publicité affichée suggère un lien économique entre ces acteurs, ou qu’elle ne permet pas une identification immédiate de l’annonceur, la responsabilité de ce dernier pourra être recherchée. Hors ces hypothèses, il reste libre d’enregistrer la marque d’un tiers en tant que mots-clés comme bon lui semble.
L’enregistrement de la marque d’un concurrent en tant que mot-clé est donc licite en tant que tel.
Enfin l’arrêt Portokabin est venu transposer à la publicité sur internet les dérogations classiques au droit des marques, telles que la théorie de l’épuisement du droit ou la référence nécessaire, autorisant dans ces hypothèses la référence à la marque du tiers dans le corps même des annonces.
III. Google bénéficie du régime de responsabilité des hébergeurs
L’arrêt Google a également appliqué au prestataire de référencement sur internet le bénéfice du régime de responsabilité des hébergeurs tel que prévu par la directive 2000/31/CE, transposée en France par la Loi sur la Confiance dans l’Economie Numérique.
En application de ces textes, la responsabilité de Google ne pourra être recherchée que dans la seule hypothèse où celle-ci aurait joué « un rôle actif », c’est-à-dire aurait eu une connaissance préalable de la nature illicite de l’annonce ou n’aurait pas procédé à son prompt retrait après en avoir eu connaissance.
Dès lors, seul un titulaire vigilant, alertant Google dans le respect strict des formes légales de l’existence d’une annonce manifestement illicite, puis faisant procéder à des constats d’huissier valides dans un délai permettant de constater l’absence de retrait diligent, pourra espérer engager sa responsabilité.
Ces mots-clés là n’ouvrent donc aucune porte.
Jonathan URBACH
Pour en savoir plus L’expansion : “publicité : les marques se lèvent toutes contre google”.
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