Promise à une profonde réforme initiée par l’ordonnance n° 2016-728 du 2-6-2016, la profession de commissaire-priseur judiciaire ne sera bientôt plus, en tout cas sous sa forme actuelle. Ladite ordonnance organise la fusion entre la profession de commissaire-priseur judiciaire et celle d’huissier de justice au profit d’une profession unique intitulée commissaire de justice.
Le commissaire-priseur judiciaire, appelé d’ailleurs la plupart du temps simplement commissaire-priseur, est classiquement présenté comme un professionnel chargé d’effectuer les ventes aux enchères.
En revanche, selon une acception juridique, le commissaire-priseur judiciaire est défini comme un : « officier ministériel chargé de procéder à l’estimation et à la vente aux enchères publiques, amiable ou forcée, des meubles corporels (les commissaires-priseurs peuvent exercer leur ministère au sein de sociétés civiles professionnelles; à Paris, ils jouissent d’un monopole pour les ventes publiques de meubles corporels). »
Quelques mots d’histoire
Déjà sous l’Antiquité et notamment sous la Rome Antique, existait la profession de commissaire-priseur alors appelée « auctionatores », dont les membres étaient chargés d’effectuer les ventes aux enchères de biens confisqués pendant la guerre.
En France, c’est une ordonnance de Saint Louis en date de 1254 qui distingue la vente judiciaire, de la vente non judiciaire et qui confie ces activités à deux corps professionnels différents.
Il faut attendre un édit de 1556 pour que le commissaire-priseur moderne intègre le droit français même s’il ne sera appelé de la sorte qu’en 1758.
A la révolution, la profession disparaît avant d’être à nouveau reconnue sous le règne de Louis XVIII qui par ordonnance datée de 1816 rétablit la profession.
C’est encore aujourd’hui cette ordonnance qui régit l’essentiel de la profession qui depuis n’a cessé de s’adapter par de nombreuses dispositions aux exigences contemporaines (ouverture de la profession aux femmes, autorisation de constitution de sociétés civiles professionnelles, etc..)
Le commissaire-priseur, un statut spécifique
Le commissaire-priseur judiciaire possède un statut particulier, ce n’est pas un fonctionnaire comme les autres.
En effet, c’est un officier public et ministériel, assimilable à ce titre aux huissiers, aux avocats aux conseils ou encore aux notaires, c’est donc également une profession réglementée.
Pour exercer, il faut être titulaire d’un office, d’une étude de commissaire-priseur, dont le montant d’acquisition varie de 15 000 euros dans certaines ville de province à 150 000 euros à Paris.
C’est l’ordonnance du 2 novembre 1945, amendé par les lois n°2000-642 du 10 juillet 2000 et 2011-850 du 20 juillet 2011 qui fixe ce statut, confiant à cet officier la compétence pour les ventes aux enchères judiciaires et non les prisées privées (confiées elles à des opérateurs particuliers habilités à y procéder en vertu des règles régissant leur profession réglementée).
Les commissaires-priseurs sont regroupés au sein de 9 compagnies régionales et sont représentés par une autorité nationale : La Chambre nationale des Commissaires-priseurs Judiciaire (CNPJ).
In fine, le commissaire-priseur voit sa profession régie tantôt par le Code de procédure civile, tantôt par des règles déontologiques et demeure soumis au contrôle du parquet et de sa chambre de discipline.
Une profession difficilement accessible
Accéder à la profession n’est pas tâche aisée et ce malgré les réformes visant à faciliter cet accès.
En effet, pour se présenter à l’examen d’accès à la profession, le candidat doit se prévaloir d’un diplôme national de niveau licence au moins, en droit et en histoire de l’art, arts plastiques, arts appliqués ou archéologie de même niveau. Cet examen ne peut être présenté qu’à trois reprises.
Les étudiants préparant ce premier examen sont souvent issus d’une préparation intensive dispensée par Drouot ou Paris I Panthéon-Sorbonne.
Pour l’année 2015, dix-huit personnes ont été admises au titre de cet examen.
Une fois le diplôme obtenu, l’élève effectue en alternance avec un enseignement théorique, un stage de professionnalisation d’une durée de deux années et rémunéré avant de se présenter à un examen supplémentaire d’aptitude judiciaire.
Toutefois, peuvent avoir accès sous conditions à la profession, d’une part les clercs d’une pratique professionnelle liée à la profession depuis plus de sept années et d’autre part les ressortissants d’un État membre de la communauté européenne au moyen d’un examen spécifique.
Une profession au carrefour du droit, de l’histoire et de l’art
Le commissaire-priseur possède des attributions bien précises : les expertises et prisées judiciaires d’une part et d’autre part, les ventes aux enchères publiques.
Il intervient tout d’abord en matière successorale (ce n’est toutefois pas sa principale mission) pour effectuer des inventaires et des prisées.
Par exemple, il intervient dans le cadre de l’exercice de l’option successorale pour l’acceptation à concurrence de l’actif net, dans le cadre d’une succession vacante ou encore dans le cadre de l’exécution testamentaire.
Celui-ci intervient aussi sur demande d’un mandataire à la personne ayant besoin dans l’exercice de sa profession, de l’établissement d’un inventaire (pour un mineur par exemple).
Les juridictions civiles font régulièrement appel à un commissaire-priseur pour l’évaluation de biens meubles dans le cadre d’un divorce ou d’un partage.
Enfin, les juridictions consulaires mandatent un commissaire-priseur pour les redressements ou liquidations judiciaire qu’elles connaissent.
Malgré ces attributions nombreuses, ce sont les ventes aux enchères publiques qui constituent l’activité la plus importante du commissaire-priseur judiciaire.
En effet, celui-ci intervient dans le cadre de ventes judiciaires forcées, en vertu de la loi ou d’une décision de justice (saisie-vente, ordonnance d’objets abandonnés, biens saisis pénalement etc.) mais également dans le cadre de ventes à forme judiciaire non forcées quand le propriétaire d’un bien ou son mandataire souhaite aliéner un bien et que la loi ou le juge imposent dans l’intérêt des parties, l’intervention d’un commissaire (succession vacante, personne protégée ou absente, liquidation après cessation d’activité).
Vers une disparition de la profession?
L’ordonnance n° 2016-728 du 2 juin 2016 relative au statut de commissaire de justice prévoit la suppression, ou plutôt la fusion de deux professions, le commissaire-priseur judiciaire et l’huissier de justice.
Il est prévu jusqu’au 1er janvier 2022, une longue période transitoire pendant laquelle l’échiquier final se mettra en œuvre, conduisant par exemple pendant ce délai à la suppression des instances professionnelles de ces professions.
Il est créé la profession réglementée de commissaire de justice, lequel verra ses attributions partagées entre certaines à compétence exclusive et d’autres à compétence concurrente avec d’autre professions (petits constats et recouvrement amiable de petites créances).
Julien Rivet
EN SAVOIR PLUS :
Plus d’informations en consultant l’ordonnance prévoyant l’existence de la profession: https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.docidTexte=JORFTEXT000000889039
Plus d’informations en consultant le site officiel de la profession : http://commissaires-priseurs.com/la-profession-cncpj/activite/
« Ordonnances du 2 juin 2016 : modification du paysage des professions réglementées – Repère par Laurence-Caroline HENRY et Philippe ROUSSEL GALLE (Act. proc. coll. 2016, repère , 176) »