Jean-Pierre Bemba Gombo, figure politique congolaise, a été acquitté par la Cour Pénale Internationale (CPI) le 8 Juin 2018 des chefs de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre portant sur la situation en République centrafricaine. Cette décision prononcée par la juridiction internationale est venue clore 8 ans de procédure et 10 ans d’emprisonnement.
Les procédures ont débuté le 24 Mai 2008 lorsque Jean-Pierre Bemba est arrêté par les autorités bruxelloises. Il est alors amené à La Haye où il sera déclaré coupable le 21 Mars 2016[1] de meurtres et de viols au titre des crimes de guerre et de meurtres, viols et pillages en ce qui concerne les crimes contre l’humanité. Il écopera de 18 années d’emprisonnement. Les faits qui lui sont reprochés ont été commis en République centreafricaine par ses troupes réunies sous le nom de Mouvement pour la Libération du Congo (MLC). Cette milice armée créée en 1998 avec pour tête, M. Bemba, a été envoyée en réponse à l’appel à l’aide du Président centreafricain, Ange-Félix Patassé, qui ne savait alors comment stopper la rébellion armée de son pays. Du 25 Octobre 2002 au 15 Mars 2003, ces hommes vont semer la terreur principalement au sein de la capitale, Bangui. Des témoignages recueillis par la Fédération internationale des Droits de l’Homme (FIDH) suite à ces évènements vont faire état d’une cruauté sans pareille. M. Bemba sera donc poursuivi en sa qualité de supérieur hiérarchique du MLC. Pour la chambre de première instance, il avait connaissance de ces exactions et il n’a pas pris « toutes les mesures nécessaires et raisonnables qui étaient en son pouvoir pour en empêcher ou en réprimer l’exécution ou pour en référer aux autorités compétentes aux fins d’enquête et de poursuites »[2] comme il aurait dû pourtant le faire. Sa condamnation a fait beaucoup de bruit étant donné qu’elle constitue la décision à l’encontre de la personne la plus haut placée (notamment par sa qualité d’ancien Vice-Président de la République Démocratique du Congo) encore jamais rendue par la CPI.
Le procès de première instance débuta le 22 Novembre 2010 suite à l’audience de confirmation des charges rendue le 15 Juin 2009[3] où il a été jugé que les preuves apportées à l’encontre des faits reprochés à l’accusé étaient suffisantes. Il faudra attendre 2016 pour obtenir la décision de première instance qui fera l’objet d’un appel de la partie défenderesse. Trois juges sur cinq vont alors considérer que M. Bemba est innocent notamment du fait qu’il n’était pas présent à Bangui au moment des massacres et par conséquent, il ne pouvait agir pour éviter ou stopper ces crimes. Les magistrats considèrent également que la chambre de première instance « avait condamné à tort M. Bemba pour des actes criminels spécifiques qui étaient en dehors de la portée des charges telles que confirmées »[4]. Des raisons procédurales doublées de raisons de fond ont donc conduit à cet acquittement définitif. Il faut savoir tout de même que malgré l’abandon des charges, un fonds d’indemnisation a été mis en place au profit des victimes et allouera un million d’euros dans un programme d’assistance en Centrafrique.
En outre, si Jean-Pierre Bemba a été acquitté du chef de crimes contre l’humanité au sens large, il en va autrement s’agissant des charges de subornation de témoins pesant à son encontre. En effet, il a fait l’objet d’une condamnation définitive confirmée en appel sur ce fondement pour avoir influencé 14 témoins avec ses deux avocats durant le procès de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Il a été condamné en Mars 2017 à un an de prison ferme et 300 000 euros d’amende. L’appel a confirmé sa culpabilité un an plus tard, en Mars 2018. L’audience qui fixera les nouvelles peines sera rendue le 4 Juillet prochain.
Linda Bachir
[1] CPI, Chambre de première instance III, Le procureur c/ Jean-Pierre Bemba Gombo, 21 Mars 2016, N° ICC-01/05-01/08.
[2] Art. 28, Statut de Rome de la Cour pénale internationale, adopté le 17 Juillet 1998 et entré en vigueur le 1er Juillet 2002.
[3] CPI, Chambre préliminaire II, Le procureur c/ Jean-Pierre Bemba Gombo, 15 Juin 2009, N° ICC‐01/05-01/08.
[4] CPI, Chambre d’appel, Le procureur c/ Jean-Pierre Bemba Gombo, 8 Juin 2018, ICC-01/05-01/08-3636-Red.