Avec 100 000 animaux abandonnés par an, la France détient le triste record du nombre d’abandons en Europe. L’article 521-1 du code pénal incrimine le fait d’abandonner un animal domestique, apprivoisé ou tenu en captivité, à l’exception des animaux destinés au repeuplement. De nouvelles mesures pour lutter contre ce fléau sont envisagées.
Le 6 octobre 2020, la Cour d’Appel d’Orléans a sanctionné, sur le fondement de l’article 521-1 du code pénal, une femme propriétaire de chiens pour les avoir privés de nourriture et les avoir abandonnés pendant plusieurs jours dans un lieu inadapté à leurs besoins[1]. Les juges du fonds rappellent que la constitution du délit d’abandon d’un animal n’exige pas nécessairement la réalisation d’un acte de cruauté ou de sévices actifs. L’abandon sur une période suffisamment longue et dans des conditions particulièrement insalubres suffit à caractériser l’infraction. La peine est fixée en fonction de la situation du prévenu. En l’espèce, la femme a eu une interdiction définitive de détenir des animaux.
Les éléments constitutifs de l’abandon d’un animal
L’infraction d’abandon se consomme en l’absence de toute atteinte à l’intégrité physique d’un animal et ne requiert pas l’intention spéciale de faire souffrir l’animal. En ce sens, elle se distingue des sévices infligés à un animal, également punis par la loi. La chambre criminelle a rappelé à de nombreuses reprises que le délit est constitué sans que ne soit requise l’existence de sévices ou d’actes de cruauté accomplis dans le but de provoquer la souffrance ou la mort de l’animal[2].
L’infraction requiert néanmoins, la volonté de délaisser définitivement l’animal. En ce sens, la Cour d’appel de Riom a considéré que le délit était constitué en présence d’une « intention de se désintéresser durablement et définitivement » de chevaux laissés sans soins ni nourriture suffisante[3]. Est donc relaxé le propriétaire de chevaux qui les prive de soins sans avoir l’intention de se désintéresser définitivement de ces animaux [4]. A titre d’illustration, est constitutif d’un abandon le fait de confier des animaux à une personne dans l’incapacité d’en prendre soin[5].
La répression de l’abandon d’un animal
Aux termes de l’article 521-1 du Code pénal, l’auteur de l’abandon d’un animal encourt deux ans d’emprisonnement et 30.000 euros d’amende. A cette peine principale s’ajoutent les peines complémentaires d’interdiction, définitive ou non, de détenir des animaux et d’interdiction, pour cinq ans maximum, d’exercer l’activité professionnelle qui a permis de préparer ou d’effectuer l’abandon.
Malgré les dispositions législatives en vigueur, les abandons restent fréquents en France.
Plusieurs pistes sont envisagées comme l’interdiction de vendre des animaux en animalerie, l’instauration d’un permis pour la détention d’animaux de compagnie. Sur le modèle belge, est également préconisée l’entrée en vigueur d’un code du bien-être animal[6].
Le 28 janvier 2020, Didier Guillaume, ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, a annoncé 15 mesures visant à renforcer la lutte contre la maltraitance animale et améliorer le bien-être des animaux domestiques, d’élevage et de compagnie.
Ce plan gouvernemental 2016-2020, classe ces préconisations en six groupes à savoir : « la fin des pratiques douloureuses en élevage, renforcer la sensibilisation et la formation du bien-être animal, améliorer la qualité de vie des animaux d’élevage, améliorer les conditions de transports des animaux, améliorer l’information des consommateurs, responsabiliser les propriétaires d’animaux de compagnie ». Son objectif est triple : « concilier la sensibilité des animaux, le travail des éleveurs et le regard de la société ».
Ainsi, le gouvernement propose par exemple d’interdire la castration à vif des porcelets, d’imposer aux élevages de porcs des systèmes d’abreuvement, la fin du broyage des poussins. Pour lutter contre la maltraitance des animaux de compagnie, il envisage la mise en place d’une contravention de 4ème classe sanctionnant le non-respect de l’identification obligatoire des chats[7]. La lutte contre ce fléau et ses causes est donc au cœur de la stratégie française.
Pauline Masson
[1]CA Orléans, 6 octobre 2020, n° 18/00160
[2]Cass. crim., 22 mai 2013, n° 12-85.988 ; Cass. crim., 31 mai 2016, n° 15-82.062
[3]CA Riom, 24 mars 2004, JurisData n°2004-247632
[4]CA Limoges, ch. corr., 16 mars 2007, n° P06/00608
[5]v. s’agissant de l’abandon d’ânes à une personne âgée, Cass. crim., 4 mai 2010, no 09-83.403 ; v. s’agissant de l’abandon de chiens et de chats à une jeune fille souffrant de problèmes psychologiques, CA Bordeaux, ch. corr., 14 oct. 2005, n° 05/00497
[6]Proposition de loi nº 3148, préc
[7]Communiqué de presse, annonces de Didier Guillaume 15 mesures pour renforcer la lutte contre la maltraitance animale et améliorer le bien-être des animaux domestiques, 28 janv. 2020