Il y’a quelques mois, le Petit Juriste avait rencontré David Amanou avant sa prestation de serment. Il nous avait confié ses espérances et ses a priori au sujet de la profession qu’il s’apprêtait à embrasser.
Six mois après, qu’en est-il réellement ?
Nous avions demandé il y a quelques mois comment vous vous sentiez à quelques jours de votre prestation de serment… Et aujourd’hui en tant que tout jeune avocat ?
Vraiment bien … Evidemment ce n’est pas facile tous les jours et j’ai encore énormément à apprendre mais je suis très épanoui professionnellement. Sincèrement, n’étant pas un acharné de boulot, je ne pensais pas forcément pouvoir dire ça un jour mais j’adore mon travail et je suis content de me lever chaque matin pour y aller !
Comment s’est passé finalement votre prestation de serment, ce moment a-t-il vraiment été « inoubliable » ?
Je confirme que ça a été véritablement inoubliable, l’expression n’est pas galvaudée.
On porte la robe pour la première fois… Je ne savais même pas vraiment comment la mettre (rires). Mais ce qui est sûr, c’est que ça symbolise notre entrée dans l’avocature, marquée par un mélange d’excitation et d’appréhension.
Et puis voir ses proches, ses amis, ses collègues… tout ce monde réuni pour assister ce qui constitue en quelque sorte la consécration de plusieurs années d’études, c’est unique dans une vie et même, je pense, assez spécifique à l’avocature.
En plus, j’ai eu le privilège de prêter serment devant la 1ère chambre de la Cour d’appel de PARIS qui est l’une des plus belles et prestigieuses du Palais de Justice. Ça a encore accentué le côté solennel de l’instant… J’étais vraiment très ému.
Qu’avez-vous ressenti à l’instant où vous avez levé la main pour dire « Je le jure » ?
Je ne sais plus vraiment… J’étais tellement stressé de ne pas bafouiller et de faire les choses bien, que je n’ai finalement pas savouré l’instant.
Ce n’est qu’ensuite, lorsque j’ai vu les autres jurer à leur tour, et que les discours du Bâtonnier, des représentants de l’Ordre ont eu lieu, que j’ai véritablement pris conscience de cela que signifiait, des engagements et de ma vie professionnelle qui débutait.
La portée du serment est capitale : « dignité, conscience, indépendance, probité, et humanité », ce ne sont pas des mots anodins.
Puisque vous évoquez ces aspects déontologiques, quels sens ont-ils pour vous ?
Ils ont pour moi – et je pense qu’ils l’ont pour tous les avocats – une résonnance toute particulière.
Ils donnent tout leur sens à notre profession. Il s’agit avant tout de se mettre au service du droit, de la Justice, des clients…
Peu importe le ressenti personnel que l’on a sur une affaire ou sur une personne, il faut faire en sorte d’assurer la meilleure défense possible, toujours dans le strict cadre de la loi et dans le respect de tous ceux qui nous entoure : auxiliaires de justices, parties adverses etc.
La confraternité est une notion singulière qui existe dans peu de professions. Appeler « confrère » un inconnu c’est assez étrange la première fois, je dois l’avouer ! Pour autant, ça confère un sentiment de solidarité et d’union qui est nécessaire et finalement assez agréable.
L’indépendance aussi, c’est primordial. Pouvoir dire à la barre, lors des échanges, à peu près ce que l’on veut, mener sa défense comme on l’entend sans être guidé par des intérêts autres, ou soumis à des pressions externes, et surtout sans pouvoir être condamné ou sanctionné pour ses propos c’est absolument indispensable.
Mais il faut savoir que ces 5 principes du serment d’avocat ne sont pas les seuls : la loyauté, la confidentialité, le secret professionnel, le respect du contradictoire etc. sont également très importants. Ils doivent constamment guider l’avocat dans l’exercice de sa fonction.
Est-ce que c’est ce que vous imaginiez et attendiez du métier il y a quelques mois ?
Honnêtement, c’est encore bien mieux que ce je pensais !
Finalement, la plupart de mes craintes – des horaires trop importants, ne pas savoir comment m’y prendre, ne pas pouvoir traiter efficacement un dossier… – ne se sont pas avérées réellement fondées.
Evidemment, je n’ai pas tout appris du jour au lendemain, et je suis très loin de tout connaître. Mais c’est justement ça qui est intéressant ! Beaucoup me disent qu’après plusieurs dizaines d’années de métier, ils en apprennent encore tous les jours.
Il ne faut pas avoir peur de se lancer, puisque c’est en trébuchant que l’on se forme le mieux. Dès le lendemain de ma prestation de serment, j’étais en audience tout seul devant la Cour d’appel parisienne… La semaine qui suivait, je plaidais tous les jours, et parfois dans des tribunaux hors Ile-de-France. J’avais beaucoup d’appréhension mais finalement c’est ce qui m’a aidé à évoluer et à progresser très vite.
Et puis les associés et collaborateurs plus expérimentés, sont aussi passés par là et sont donc conscients que plusieurs mois voire plusieurs années sont nécessaires pour être formé(e).
Quels sont, d’après vous, les principaux avantages/inconvénients du métier d’avocat ?
Dans les avantages, évidemment qu’on nous appelle « Maître » (rires) !
Je plaisante mais c’est vrai que c’est un métier socialement assez reconnu et respecté. Je pense égoïstement que cela fait partie des avantages de cette profession…
Et puis comme je l’avais déjà dit au Petit Juriste, j’apprécie beaucoup l’aspect social de cette profession. Si l’on est guidé par les principes déontologiques que vous avez évoqués et que l’on apporte un certain côté humain à la pratique, c’est vraiment un métier où il est possible d’aider directement et concrètement les gens.
Bien-sûr je ne dis pas que gagner sa vie n’est pas important mais je pense qu’il ne faut pas négliger la facette sociale de ce métier…
La diversité est également très importante.
J’ai eu l’opportunité d’intégrer un cabinet généraliste. Je fais donc toutes sortes de matières et de procédures juridiques. J’en apprends beaucoup sur les droits dans leurs pluralités mais aussi sur plein d’autres domaines : santé, environnement, immobilier, etc.
C’est un métier d’une richesse assez incroyable. Et, outre les thématiques abordées, une multitude d’aspects sont mis en avant : il faut savoir écrire, parler, écouter, convaincre, être organisé, méthodique, rigoureux, faire preuve de diplomatie ou de fermeté selon les circonstances, d’une certaine finesse psychologique etc. En revanche, je vois assez peu d’inconvénients.
Si je devais en évoquer un, qui n’en est pas vraiment tout compte fait, c’est la nécessaire et totale implication qu’il faut avoir dans la pratique du métier.
Certains dossiers sont complexes, d’autres humainement ou moralement pas évident à appréhender, d’autres encore entrainent des enjeux financiers considérables.
Il faut bien avoir conscience de ces responsabilités avant de se lancer dans la profession.
Pour autant, cela ne signifie pas que l’on doive se consacrer exclusivement à ce métier et que l’on ne peut plus « avoir de vie ».
Racontez-nous la journée type d’un avocat…
Justement, il n’y a pas de journée type !
Il est possible de se déplacer pour plaider, aller en expertise, prendre le train, l’avion ou rester toute la journée au bureau pour écrire des actes, recevoir des clients, faire des dossiers de plaidoiries.… Il faut accepter de se lever à l’aube ou finir tard, être constamment sur des urgences ou prendre le temps de faire des recherches jurisprudentielles pour peaufiner un dossier.
Et puis, en une journée l’on traite parfois plusieurs dizaines de dossiers et de types d’affaires différents. Il faut être hyper adaptable !
Toutefois, là encore, il faut nuancer ma propre expérience car certains, et notamment les avocats d’affaires ou les publicistes, ne connaissent absolument pas cette diversité. Ils se cantonnent aux mêmes procédures et plaident très peu. Il y a véritablement plusieurs métiers d’avocat.
Vous avez d’autres projets ?
Je ne pense pas faire ce métier toute ma vie, du moins sous cette forme.
Etre collaborateur, c’est se former et je veux bien croire que les déplacements, la pression etc. peuvent user à la longue et constituer une entrave à une véritable vie de famille.
J’envisage de monter mon propre cabinet en tant qu’associé – tout seul ou avec d’autres – dans quelques années et éventuellement de me diversifier par le professorat, puisque j’affectionne tout particulièrement l’enseignement.
Et pourquoi pas, dans plus longtemps, changer totalement de voie… Je pense qu’il faut savoir se remettre perpétuellement en question pour évoluer et rien de tel pour ça qu’un changement total de carrière.
Si vous aviez un dernier mot/quelques conseils pour tous ceux qui hésitent encore ?
N’hésitez plus, c’est un métier vraiment passionnant !
Je suis l’exemple même de celui qui n’était pas rempli de certitudes avant de commencer ce métier, et pourtant aujourd’hui je ne le regrette vraiment pas.
Il faut simplement bien prendre le temps de se poser les bonnes questions et de choisir scrupuleusement son cabinet et ne pas se précipiter ! Car lorsque l’on place plus de temps au travail qu’ailleurs, il vaut mieux s’y plaire.
Il faut évaluer tous les éléments avant de faire son choix car la pratique du métier peut changer du tout au tout : petite ou grande structure, type de matière abordé, collaboration salariale/libérale…
Et une fois que l’on est sûr(e) de son choix, il faut foncer et ne pas s’arrêter à la première difficulté !
Propos recueillis par Cheherazade CHIKHI