Le parquet national financier

Tant dans l’affaire Football Leaks que dans l’affaire CAHUZAC, ou encore le « Penelope Gate », le Parquet national financier (ci-après PNF) est à la manœuvre. Il sera d’abord question de son rôle (1), puis d’une critique de cette institution et des améliorations pouvant y être apportées (2).

1- Rôle du Parquet national financier

Une des conséquences du scandale CAHUZAC fut la création du PNF par une loi du 6 décembre 2013. L’idée était de créer un parquet à compétence nationale chargé des délits économiques et financiers complexes, tels les délits boursiers et, selon leur niveau d’importance, les délits d’atteinte à la probité (corruption, trafic d’influence, détournement de fonds public…), et de fraude fiscale lourde et aggravée (escroquerie à la TVA, montages internationaux, blanchiment…). Certains doutaient de l’utilité d’une telle institution, notamment car elle peut se retrouver en concurrence avec l’autorité des marchés financiers (AMF) sur les délits boursiers. Néanmoins, la loi Sapin 2 a permis de déterminer la nouvelle articulation entre répressions administrative et pénale des délits boursiers. Le procureur général départagera l’AMF et le PNF en cas de désaccord sur l’autorité compétente sur le dossier litigieux. Il est à noter que cette solution était souhaitée par le procureur de la République financier.

Le PNF est dirigé par Éliane HOULETTE, procureur de la République financier. Il est composé de 16 magistrats spécialisés en matière économique et financière. Il y a également des assistants spécialisés qui ont travaillé au sein de l’AMF ou de l’administration fiscale. De plus, depuis septembre, des assistants supplémentaires spécialisés en matière boursière, fiscale et comptable sont venus renforcer la structure.

Le PNF dispose de moyens juridiques propres, en vertu d’une loi du 6 décembre 2013. Celle-ci dispose que le PNF peut utiliser de nouveaux dispositifs de lutte contre la délinquance financière et la fraude fiscale.
Depuis sa création, les saisies et cautions ordonnées par le PNF représentent plus de 1,5 milliard d’euros, en menant plus de 400 procédures depuis sa création.

La compétence du PNF est régie par l’article 705 du Code de procédure pénale qui liste les infractions pour lesquelles il est compétent (délit de détournement de fonds publics ou privés,…). Si cette juridiction diligente une enquête pour laquelle elle n’est pas compétente, elle devrait se dessaisir, et la juridiction compétente serait alors saisie (qu’il s’agisse de la juridiction de droit commun, ou d’une autre). Néanmoins, cela n’entrainerait pas de fait la nullité de l’enquête, en vertu du principe «pas de nullité sans grief». En effet, il faudrait prouver que la saisine du PNF a causé un préjudice à la personne mise en cause, ce qui est improbable, car il est aisé de considérer que les informations obtenues par ce parquet l’auraient été par n’importe quel autre. Ainsi, non seulement l’enquête ne serait pas arrêtée, mais les actes d’enquêtes recueillis par le PNF pourraient êtres exploités par un autre parquet.

2- Améliorations et critiques du Parquet national financier

La loi Sapin 2 a créé la « convention judiciaire d’intérêt public » sur le modèle du « Deferred Prosecution Agreement » (DPA) américain. Il s’agit de permettre à une entreprise de signer une transaction financière avec la justice sur des dossiers relatifs à de la corruption ou du blanchiment de fraude fiscale. En échange, les poursuites seront abandonnées et la société ne sera pas contrainte de reconnaître l’infraction pénale. La convention sera soumise au contrôle d’un juge d’instruction et fera l’objet d’une audience publique.

Selon Jean-Michel HAYAT, Président du Tribunal de grande instance (TGI) de Paris et ancien Président du TGI de Nanterre, cela permettra d’apporter des réponses plus graduées, et d’éviter l’enlisement de certaines procédures. Néanmoins, selon les associations Sherpa et Anticor, cette mesure est critiquable car il n’y a pas de reconnaissance de culpabilité. Une des difficultés soulevées par ces associations est que si l’entreprise commet à nouveau les mêmes faits, il ne s’agira pas d’une récidive. De plus, bien que les entreprises utilisant cette mesure doivent mettre en place des actions anticorruptions, cela pourrait donner lieu uniquement à des actions de façade.

En dépit de ces améliorations, selon le délégué général de l’ONG de lutte contre la corruption Transparency International France, le PNF produit des résultats, mais il n’est pas forcément indépendant du pouvoir exécutif, qui nomme les magistrats. Néanmoins, cette critique est transposable au parquet de manière générale.

La commission des lois de l’Assemblée nationale a publié un rapport sous la direction des députés Sandrine Mazetier et Jean-Luc Warsmann, faisant un premier bilan d’étape «globalement satisfaisant», suggérant toutefois d’accroître les sanctions contre les personnes morales, considérant que «les peines prononcées étant trop peu dissuasives».

Il n’y a pas eu d’évaluation de l’efficacité du PNF. Cela est critiqué, car il est difficile de savoir s’il est réellement efficace, au-delà de son aspect médiatique. De plus, son champ de compétence augmente, mais n’est pas cumulé avec une hausse de ses effectifs pouvant le mettre en réelle difficulté du fait du nombre de dossiers à gérer, et ainsi le fragiliser.

Il est à noter que le Président du PNF avait déclaré que le champ des compétences du PNF pourrait être élargi notamment à l’ensemble des dossiers à connotation financière (abus de confiance, abus de bien social,…), vis-à-vis des délits relatifs au financement de campagne électorale.

Enfin, la loi Sapin prévoyait d’attribuer au PNF une compétence exclusive pour la poursuite, l’instruction et le jugement de délits en matière fiscale, économique et financière. Le but de cette réforme était de rendre la justice financière plus efficace en confiant à des magistrats spécialisés le traitement d’affaires délicates. Néanmoins, cela devait être fait sans mesure transitoire, ce qui aurait pu déborder le PNF. Le Conseil constitutionnel a censuré ce transfert, car il a jugé que cela aurait nui à la bonne administration de la justice, qui est un principe à valeur constitutionnelle.

Cyril AUFRECHTER

Pour en savoir plus :

www.justice.gouv.fr, Mieux combattre la délinquance financière et la fraude fiscale, 3 mars 2014

www.lja.fr, Transaction pénale : l’avis du président du TGI de Paris, Jean-Michel Hayat, 18 octobre 2016

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