La loi du 5 juillet 1985 dite loi Badinter est une disposition d’indemnisation des victimes de la route.
A titre de rappel liminaire, il convient de rappeler que l’application de la loi Badinter est conditionnée à la réunion de trois éléments matériels : un accident de la circulation (1) impliquant (2) un véhicule terrestre à moteur (3).
C’est en effet une loi d’exception, dérogeant au droit commun. Ce dernier s’applique en l’absence de la réunion de ces critères, tout particulièrement l’article 1384-1 du code civil régissant la responsabilité du fait des choses.
Ce régime était celui en vigueur antérieurement à l’entrée en application de la loi Badinter. Celui-ci établit une présomption de responsabilité à l’égard du gardien. [1]
Néanmoins, le gardien peut simplement se dégager de sa responsabilité en démontrant un cas de force majeure ou plus simplement d’une cause étrangère qui ne lui soit pas imputable.
Définition de véhicule terrestre à moteur : les solutions de source légale
La loi Badinter dans son article 1er rappelle la nécessaire implication d’ « un véhicule terrestre à moteur », souvent abrégé vtam mais ne prend pas le parti de définir cette notion.
Elle rappelle néanmoins qu’elle s’applique également aux « remorques ou semi-remorques » du véhicule impliqué.
A défaut de définir cette notion, l’article 1er rappelle qu’elle ne saurait couvrir les chemins de fer ou les tramways, au motif que ces modes de transport évoluent sur des voies qui leur sont propres. Cette exception s’explique par une volonté du législateur durant la conception de la loi Badinter de rapprocher son champ d’application du domaine de l’assurance automobile obligatoire, qu’on retrouve notamment à l’article L211-1 du Code des assurances, qui exclut expressément de son champ à l’article L211-2 les chemins de fer et les tramways.
L’article L211-1 du Code des assurances donne une définition du véhicule terrestre à moteur, comme « tout véhicule automoteur destiné à circuler sur le sol, et qui peut être actionné par une force mécanique sans être lié à une voie ferrée, ainsi que toute remorque même non attelée ».
Par extension, la définition du véhicule terrestre à moteur exclut ipso facto les véhicules mus par une force naturelle telle que le vent : char à voile…
Apports jurisprudentiels et évolution de la notion de vtam
Bien que cet article soit utile dans l’appréciation de la notion de vtam, il est important de souligner que l’autonomie de la loi Badinter lui permet de ne pas assujettir sa propre approche de la notion de véhicule terrestre à moteur à celle énoncée par l’article L211-1 du Code des assurances.
Un cas particulier mérite d’être relevé, à savoir celui du véhicule outil (engins de chantier, de terrassement…). En effet, en présence d’un accident impliquant un tel engin, le juge s’intéressera à son usage lors de la survenance du sinistre, afin de déterminer s’il est en présence d’un véhicule terrestre à moteur ou non.
Ainsi, en cas de sinistre impliquant un véhicule outil et causé par une « partie totalement étrangère à sa fonction de déplacement » (pelle, bras…) ce dernier ne sera pas requalifié de vtam. [i][2]
Néanmoins, en cas d’usage mixte : par exemple un même engin en fonction outil se déplaçant, le juge retiendra comme critère déterminant le caractère mobile du véhicule au cours de la survenance du sinistre, agréant donc au cas d’espèce la qualité de vtam et les dispositions de la loi Badinter.[3]
En dehors de ces cas relativement traditionnels, la jurisprudence a admis la qualité de véhicules terrestres à moteurs à des biens plus iconoclastes.
La deuxième chambre civile a notamment été confrontée à un cas où un enfant installé sur les genoux du conducteur avait chuté d’une tondeuse.
A été admis comme véhicule terrestre à moteur cette tondeuse autoportée, la cour relevant que la tondeuse était « un engin à moteur doté de quatre roues lui permettant de circuler, équipé d’un siège sur lequel une personne prend place pour le piloter ». 3
Il est intéressant de relever que dans cette décision, la cour adopte un raisonnement qui ne manque pas d’être confusant.
En effet, la cour dans sa réponse assimile deux notions aux sources pourtant différentes :
– la notion de véhicule terrestre à moteur au titre de la loi de 1985 ; loi supplantant les dispositions de l’article 1384 du Code civil et qui est d’application autonome [4]
– l’obligation d’assurance édictée à l’article L211-1 du code des assurances, de nature exclusivement assurantielle.
Les mini-motos sous le joug de la loi Badinter
Outre cet exemple atypique de tondeuse à gazon, la jurisprudence a continué à être soumise à des revendications d’application de la loi Badinter face à des véhicules inhabituels.
Ainsi, dans sa décision du 22 octobre 2015, la deuxième chambre civile a été soumise à un cas singulier. Pendant un séjour chez ses grands-parents, une enfant de six ans est amenée à jouer avec une mini-moto (également appelée pocket-bike).
Le propriétaire de cette moto était le voisin des grands parents. Il a démarré le jouet pour qu’elle l’utilise et est resté à côté de l’enfant. En voulant effectuer un demi-tour, et ce après seulement quelques secondes d’utilisations, l’enfant a perdu le contrôle du véhicule et s’est blessée en heurtant une remorque.
Les parents de l’enfant mettent en cause le voisin en invoquant l’application de la loi Badinter. Ce mini-véhicule n’ayant pas d’assurance propre, le voisin appelle en garantie son assureur multirisque habitation.
Afin de déterminer si elle est en présence d’un véhicule terrestre à moteur, la Cour de cassation va s’intéresser aux caractéristiques techniques du véhicule. Relevant que ledit véhicule disposait d’un moteur à propulsion et d’une faculté d’accélération, la Cour en déduit qu’elle n’est pas en présence d’un simple jouet mais d’un véritable véhicule terrestre à moteur, tout en notant que ce véhicule n’est pas soumis à obligation d’assurance, s’éloignant sur ce point de sa position du 24 juin 2004 précitée.
30 ans de la loi Badinter : quelles perspectives ?
La loi Badinter a aujourd’hui plus de trente ans. Force est de constater que son champ originel est aujourd’hui considérablement élargi, notamment sur la notion de circulation mais également de véhicule terrestre à moteur.
Sur ce point, la jurisprudence n’a pas poursuivi une position linéaire, ainsi saisie sur un cas similaire à celui jugé le 22 octobre 2015, la cour de cassation avait relevé que le la voiture « était un véhicule miniature réservé à des enfants en bas âge[…] assimilable à un jouet » qui n’était pas « un véhicule terrestre à moteur au sens de la loi du 5 juillet 1985 ». [5]
Cet arrêt illustre la jurisprudence à être toujours plus prompte à admettre la notion de véhicule terrestre à moteur et à convenir de l’application de la loi Badinter.
La prochaine perspective d’évolution de la loi Badinter réclamée par nombre d’auteurs, parlementaires et juristes (avant-projet CATALA, projet de réforme TERRE) serait une nouvelle définition du champ d’application de la loi Badinter afin d’inclure les accidents impliquant des trains ou tramway, ce sans opérer la distinction entre voie propre, voie partagée aujourd’hui en vigueur.
Kevin Dutheil
[1] Cass. chambres réunies 02/12/1941 bulletin n°292 p.523 cf Legifrance– ce fameux arrêt Franck concernait justement une implication de véhicule
[2] Cass. Civ. 2ème 09/06/1993 bulletin n°198 p.107
[3] Cass. Civ. 2ème 24/06/2004 bulletin 2004 n°308
[4] Cass. Civ. 2ème 12/06/2010 bulletin 2010 n°94
[5] Cass. Civ. 2ème 04/03/1998 bulletin 1998 n°65 p.41
Bonjour, par décret:
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000020910287&categorieLien=id
les mini motos dépassant 25Km/h sont classés « comme ENGINS MOTORISÉS NON RÉCEPTIONNÉS SOUMIS À L’ARTICLE L. 321-1-1 DU CODE DE LA ROUTE »
avec obligation pour son propriétaire à « être couvert par une assurance garantissant les dommages corporels et matériels qu’il pourrait causer à autrui lorsqu’il pilote l’engin. Il doit vérifier par ailleurs que les personnes à qui il loue ou prête son engin sont couvertes de la même manière, soit par l’assurance qu’il a souscrite, soit par une assurance souscrite par l’utilisateur.
S’agissant de la couverture du conducteur, celle-ci n’est pas formellement obligatoire mais est vivement recommandée. »