I. Un droit évolutif ayant facilité la mise en oeuvre de la responsabilité sociale vis-à-vis des victimes.
La victime d’un accident industriel doit prouver, conformément à l’article 2 du code de procédure pénale, qu’elle a “personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction”. Cependant, cette exigence relative au lien de causalité et au préjudice allégué a été appliquée avec rigueur par la jurisprudence qui considère que l’exercice de l’action civile devant les tribunaux répressifs doit demeurer exceptionnel. En effet, il appartient au ministère public de mettre en mouvement l’action publique.
Malgré ces difficultés, la victime peut invoquer le préjudice résultant de l’accident environnemental dès qu’elle peut faire état d’un préjudice certain, direct et personnel.
Reste cependant à déterminer qui, du dirigeant ou de l’entreprise, sera tenu pour responsable d’un tel accident industriel. Lorsque l’infraction est commise à l’occasion d’une activité collective, la jurisprudence retient généralement la responsabilité du dirigeant à qui il incombe de faire respecter la réglementation, même si les faits ont été commis par un préposé placé sous son autorité. Tel fut le cas pour le directeur d’une usine de construction automobile à l’origine d’une fuite d’hydrocarbures (Cass.crim. 19 octobre 2004), ou d’un maire à la suite du dysfonctionnement d’une station d’épuration (Cass.crim. 3 avril 1996)
Il est à noter que depuis l’entrée en vigueur du nouveau code pénal, les personnes morales, ainsi que les personnes publiques, à l’exception de l’Etat, sont pénalement responsables des infractions commises pour leur compte, par leurs organes ou leurs représentants (article 121-2), sachant que le cumul de responsabilité avec les personnes physiques est autorisé.
Tandis que la notion de préjudice économique ou moral subi par les victimes d’accidents industriels ouvre droit à de mettre en oeuvre la responsabilité des entreprises, il n’en est pas de même pour le préjudice écologique “pur”, qui lui touche aux espèces et habitats naturels protégés, à l’eau et aux sols, et donc indépendamment de la lésion directe d’un intérêt humain.
II. L’affaire de l’Erika et la loi du 1er août 2008: vers une reconnaissance de la responsabilité sociale pour préjudice écologique.
En tant que préjudice autonome et distinct des préjudices matériel et moral infligés aux victimes, le préjudice écologique subi par les collectivités territoriales n’était pas à même d’ouvrir droit à réparation, et donc de mettre en oeuvre une action en responsabilité.
Il fallu attendre le jugement de l’Erika rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 16 janvier 2008 pour que soit reconnue l’existence d’un préjudice écologique en tant que tel ouvrant droit à réparation. Ce préjudice, cependant, ne peut être invoqué que par les collectivités territoriales auxquelles le législateur a confié une responsabilité spéciale pour la protection, la gestion et la conservation d’un territoire.
A cette reconnaissance prétorienne du préjudice écologique des collectivités territoriales s’est ajoutée la loi du 1er août 2008, consacrant la possibilité pour les collectivités territoriales dont le territoire est affecté par un accident industriel de se constituer partie civile lorsqu’elles sont victimes d’un préjudice direct ou indirect.
Seul bémol de taille: ni le législateur ni le juge n’ont consacré pleinement la notion de préjudice écologique, du fait d’une certaine réticence à ériger un dommage environnemental éloigné d’une logique matérielle et monétaire. Les problème de l’évaluation monétaire et de la définition exacte du préjudice écologique devront être réglés afin de mieux saisir les contours de la responsabilité sociale en matière d’accidents industriels.
Alexandra Chauvin
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