Dans l’attendu de son arrêt du 27 novembre 2013, la chambre sociale de la cour de cassation reconnait la possibilité pour un salarié d’être licencié pour faute grave sur le fondement d’une violation du code d’éthique de l’entreprise.
Si la circulaire DGT n° 2008/22 du 19 novembre 2008 identifie la charte éthique comme « un outil permet- tant, à l’inverse du règlement intérieur dont le champ est légalement limite, de réunir en un document, selon un contenu et un degré de précision variables, les engagements et obligations respectifs de l’employeur et des salaries (…) devant permettre une amélioration des performances de l’entreprise », elle se présente plutôt, à tort, comme un simple énoncé des valeurs et des engagements de la société constituant davantage un outil de communication externe qu’un document doté d’effets juridiques.
La problématique porte ainsi sur les implications et les conséquences juridiques d’un tel outil, dont l’étude porte tant sur son mode d’adoption (I) que sur ses conséquences pour les salariés (II).
L’adoption d’une charte éthique
La charte éthique, considérée comme un outil de communication tantôt, ou comme un énoncé de valeurs devant être encouragé par les pouvoirs publics, est « boudée » par le législateur. Le code du travail ne fait aucune mention et n’offre aucun régime attitré à cet engagement sociétal.
« Specialia generalibus derogant », il faut donc à défaut de règles spéciales lui appliquer les règles générales. Ainsi la charte éthique, comme acte unilatéral de l’employeur, tombe sous l’empire de l’article L2323-6 du code du travail prévoyant la consultation du comité d’entreprise – ou des délègues du personnel – pour toute question relative à « l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise ».
De même, la charte éthique ne peut en aucun cas contenir ou établir des mesures discriminatoires pour les salariés, protégés par l’article L1132-1 du code du travail.
La charte éthique peut également être l’objet d’une négociation, allant bien au-delà de la simple information ou consultation. Il peut en effet s’agir du résultat d’un accord collectif. De même s’il ne s’agissait que d’une communication externe, ces procédures ne sembleraient alors pas nécessaires. Il s’agit donc d’un souhait du dirigeant de donner des effets juridiques à sa charte éthique.
Les conséquences pour les salariés
La charte éthique, comme tout écrit, peut contenir l’intention formalisée de l’employeur de concéder des avantages à ses salariés. Ainsi, un salarié pourra se prévaloir d’un engagement pris dans la charte éthique comme usage d’entreprise et l’opposer à son employeur.
Néanmoins l’employeur peut également l’opposer aux salariés, délié des limites plus strictes tenant aux domaines du règlement intérieur. Aussi, même si dans un arrêt du 8 décembre 2009 la Cour de cassation réprime une charte éthique limitant la liberté d’expression des salariés, sont avalisées celles qui prescrivent un mode de conduite générale.
Le licenciement pour cause personnelle ne peut être fondé sur un fait relevant de la vie privée du salarié sauf si de ce fait il résulte un manquement à une obligation contractuelle découlant de son contrat de travail. Il pourra alors être licencié sans préavis mais avec indemnités.
Il s’agit ici d’illustrer toute la force juridique d’une charte éthique de plus en plus systématiquement annexée – et donc partie intégrante – au contrat de travail. Ainsi la clause d’une charte prévoyant le respect de la législation du pays, absurde pour un économiste, est-elle fondamentale pour le juriste puisque permet à une infraction survenue en dehors du temps de travail, de constituer un fondement autorisé par les juges suprêmes au licenciement pour faute grave du salarié.
Fabien SCHAEFFER
Licence 3 Droit, Aix-en-Provence
DESU d’Ethique économique et des Affaires
1 Sociale. 27 novembre 2013, n°12-22626
2 La semaine juridique – social, 01 juin 2010, p1-4
3 « Licencier pour des faits de la vie personnelle », Les cahiers du DRH n°189, juillet 2012, p36