Le 11 septembre dernier, un bijoutier a abattu un cambrioleur à Nice. Face à un tel drame, le bijoutier a proclamé la légitime défense. Celle-ci n’a pas été retenue et le bijoutier a donc été mis en examen puis assigné à résidence muni d’un bracelet électronique pour homicide volontaire. Cet article s’attèlera dans un premier temps à mettre en lumière ce qu’est la légitime défense avant de comprendre pourquoi celle-ci n’a pas été retenue en l’espèce. Dans un deuxième temps, il s’agira d’analyser la notion d’homicide volontaire et de mettre en avant les conséquences pouvant être engendrées par cette dernière.
La légitime défense se définie par l’application de deux articles. Selon l’article 122-5, « n’est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui, accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d’elle-même ou d’autrui, sauf s’il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l’atteinte. N’est pas pénalement responsable la personne qui, pour interrompre l’exécution d’un crime ou d’un délit contre un bien, accomplit un acte de défense, autre qu’un homicide volontaire, lorsque cet acte est strictement nécessaire au but poursuivi dès lors que les moyens employés sont proportionnés à la gravité de l’infraction ».
A la lecture de cette disposition, on comprend qu’il doit y avoir une attaque qui soit injustifiée et qui soit le fait d’un être humain. En effet, pour que la défense soit légitime, l’atteinte doit être « injustifiée » car si cette dernière est justifiée, la défense ne sera plus « légitime »[1]. De plus, pour être légitime, la défense doit se justifier par un caractère nécessaire. Par exemple, la personne n’avait pas d’autres choix et pour défendre sa vie, a dû riposter, « dans le même temps » autrement dit, au moment où sa vie était menacée. Il faut donc faire attention à ce que l’agressé ne veuille pas se rendre justice en attaquant l’agresseur après que l’agression ait eu lieu. En ce sens, « il n’y a pas de légitime défense si l’agresseur est en fuite »[2]. En l’espèce, c’est une fois que les cambrioleurs prenaient la fuite à moto, que le bijoutier les a poursuivis muni d’une arme et a tiré à trois reprises. Il semblerait donc difficile de retenir la thèse de la légitime défense à partir du moment où l’agressé n’était plus en danger. Par ailleurs, comme l’a mis en avant Me Eolas[3], « il n’y a pas de légitime défense pour le meurtre d’un voleur ».
Un deuxième article pouvant s’appliquer dans certains cas est celui inscrit à l’article 122-6 selon lequel « est présumé avoir agi en état de légitime défense celui qui accomplit l’acte : 1° pour repousser, de nuit, l’entrée par effraction, violence ou ruse dans un lieu habité ; 2° pour se défendre contre les auteurs de vols ou de pillages exécutés avec violence ». Cette disposition fait état de deux situations dans lesquelles il y a présomption. Ainsi, elles ne requièrent pas la preuve de la légitime défense. Comme l’a mis en avant Me Eolas, « malheureusement pour le bijoutier, le vol ayant cessé au moment où il a ouvert le feu, il aura du mal à invoquer cette présomption, mais c’est une piste que la défense ne manquera pas d’explorer ».
En l’espèce, bien que le vol ait été rapporté comme commis avec violence, l’absence de simultanéité entre l’agression et la légitime défense éloigne l’affaire d’une telle qualification c’est pourquoi c’est aujourd’hui l’homicide volontaire qui a été retenu à l’encontre du bijoutier. En dépit de cette qualification, une question persiste : le bijoutier a-t-il donné volontairement la mort à ce jeune homme de 19 ans ? Si la Cour reconnait l’homicide volontaire, le bijoutier pourrait être incarcéré pour une durée maximale de 30 ans de prison. En raison des circonstances particulières de l’espèce, il se peut néanmoins que sa peine soit fortement atténuée.
La polémique qui entoure cette affaire nous amène à réfléchir sur notre système de droit. Il est donc important de garder en tête que si la légitime défense est un droit, la Justice détient le monopole de la sanction comme l’a réaffirmé le Président de la République lors de son intervention télévisée du 15 septembre 2013.
[1] Cours de Droit pénal général de l’Université Numérique Juridique Francophone (UNJF) de Bernadette Aubert, Laurence Leturmy et Michel Masse, Leçon n°8 – Trois faits justificatifs, à la p 15.
[2] Ibid
[3] Journal d’un avocat, Me Eolas : http://www.maitre-eolas.fr/post/2013/09/15/L-affaire-du-bijoutier-de-Nice [en ligne le 16/09/2013]