Lundi 19 décembre 2016, Christine Lagarde a été déclarée coupable de négligence dans l’affaire Tapie, mais a été dispensée de peine. Mais que signifie les notions de négligence et de dispense de peine en droit pénal ?
I. Définition juridique de la négligence et critique de son utilisation à l’encontre de Christine Lagarde
Selon les articles 432-15 et 432-16 du Code pénal, la négligence sanctionne les dépositaires de l’autorité publique ayant permis la constitution de détournement ou de destruction de fonds publics du fait de leur négligence. Il s’agit d’une faute d’imprudence, d’un manquement à l’obligation de prudence, ou d’une absence de diligence. La sanction de ce délit peut aller jusqu’à un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende. Ce délit est très rarement utilisé, et n’avait jamais été invoqué à l’encontre d’une ministre.
En l’espèce, madame Lagarde était accusée de négligence, car elle n’avait pas tenu compte des avis de son administration dans l’arbitrage relatif à l’affaire Tapie.
Le fait que l’accusation de négligence soit utilisée pour la première fois vis-à-vis d’une ministre, et qu’elle en soit reconnue coupable crée un précédent, et pose des difficultés. En effet, comme l’avait soulevé, monsieur Marin, procureur général près la Cour de cassation, il y avait une faible différence entre la négligence et le « choix politique malheureux ». Or, une décision politique, même mauvaise, peut difficilement être qualifiée de négligence. De plus, comme l’a souligné monsieur Lagauche, l’avocat général, il est « difficile pour le juge de dire quel avis un ministre doit prendre, ou suivre ». En effet, on peut considérer que le juge n’a pas à juger ni de la qualité ni de l’opportunité des mesures ou des choix politiques, tant qu’il n’y a pas de violation de la loi. De la même manière, l’administration et le juge fiscal ne peuvent sanctionner un mauvais gérant du fait de son incompétence, ou des erreurs de gestion tant qu’il n’y a pas de comportements illégaux.
II. Définition juridique de la dispense de peine négligence et critique de son utilisation dans le cas d’espèce
Selon l’article 132-59 Code pénal, « la dispense de peine peut être accordée lorsqu’il apparaît que le reclassement du coupable est acquis, que le dommage causé est réparé et que le trouble résultant de l’infraction a cessé. La juridiction qui prononce une dispense de peine peut décider que sa décision ne sera pas mentionnée au casier judiciaire ».
Il ne s’agit donc pas d’une relaxe, et la décision de dispense de peine pourra donc rendre possible une condamnation plus importante en cas d’éventuelle récidive.
Il semble que les conditions nécessaires à l’utilisation de la dispense de peine ne soient pas toutes réunies. En effet, si la réinsertion de madame Lagarde n’est évidemment pas discutable, il n’en va pas de même des autres conditions. Ainsi, la procédure relative à monsieur Tapie étant encore en cours d’instruction, le dommage n’a pas encore été établi. Il est donc complexe d’affirmer qu’il est réparé. En ce qui concerne la fin du trouble résultant de l’infraction, cela est également discutable, étant donné l’importance du préjudice causé. Néanmoins, le trouble est une notion très subjective, que les juges du fond (ici la Cour de Justice de la République, ou CJR) peuvent estimer souverainement.
Pour conclure, cette décision ne peut apparaître que comme étant juridiquement surprenante, à tel point que certains commentateurs souhaitent désormais la disparition de la CJR.
Cyril Aufrechter